J'ai longtemps pensé que la poésie, quand elle n'est pas poésie de salon, était le moyen de tous les combats.
René Char pour la France, ou Mahmoud Darwich pour la Palestine, pour ne citer qu'eux, ont su trouvé les mots suffisamment grands, forts et subtils pour éclabousser de courage les gens de coeur et faire grandir les esprits.
Aujourd'hui, les poètes combattent toujours...
La révolte existe, on la retrouve la plupart du temps dans les textes de certains rappeurs.
Leurs poésies âpres, souvent violentes, magnifiques ou incendiaires, sont malheureusement enfermées dans un vocabulaire codé et dans une imagerie précise, nourrie du look et des mots de la banlieue. Elles ne permettent pas toujours de les comprendre ni ne donnent l'envie de s'associer à la révolte qu'elles clament. Hélas chacun de nous, attaché aux mots qu'il connaît ne fait pas l'effort d'en découvrir d'autres et si les mots ne dévoilent pas les maux, comment prendre conscience du mal des banlieues ? Dès lors, la rupture se crée. L'idée du combat doit être fédératrice, sinon elle est condamnée à la clandestinité... Or les banlieues ne doivent pas devenir le maquis.
On peut me rétorquer que la révolte est bien obligée de naître et de vivre du milieu qui la nourrit, mais il ne faut jamais oublier que toutes les révoltes réussies sont celles qui ont été comprises de tous.
En 1968, les ouvriers ont rejoint les étudiants parce qu'ils avaient compris leur message. Un vrai mouvement de contestation a éclaté et en remontant dans l'histoire, on retrouve toujours ces unions... jusqu'à la Révolution française, jusqu'à la République.
Moi qui suis un inconditionnel des textes de rappeurs depuis toujours, moi qui ai lu des textes qui m'ont fait pleurer tant ils étaient forts... j'enrage de voir tant de gens les ignorer ou n'en retenir que ce qui les condamne parce qu'ils ne comprennent pas cette langue-là...
Quel gâchis ! Alors que nos conditions d'hommes asservis à un système sont les mêmes !
Acquis... la prison !
À qui le soleil ?
Acquis... l'obédience !
À qui le pouvoir ?
Acquis... la misère !
À qui le profit ?
Acquis... l'hilotisme !
À qui la main mise ? In « Bleus d'attente » de Michel Giliberti aux éditions Librairie Galerie Racine - 2001