La nuit prochaine, nous retrouverons les horaires d'hiver.
Les télés et les radios nous le martèlent déjà depuis ce matin.
Impossible d'y échapper !
D'une certaine façon, il faut se préparer à une hibernation aménagée et souvent douillette, mais une hibernation quand même.
Moi, je préfère l'heure d'été, parce qu'il y est dit que c'est l'été et quand c'est l'été, les nuits s'agrandissent et avec elles, mes yeux.
J'aime les mois de chaleur, ils prennent mon corps en main et m'ouvrent les portes de l'exil.
Il me donnent l'envie de me perdre dans ces pays qui sont en été toute l'année.
Il y a quelques années, je suis resté à la Réunion quelque temps avec mon ami. C'était assez fantastique. Je me souviens des longues promenades dans la nuit sur le sable tiède de la plage. Au son des djembés que des jeunes gens faisaient résonner, des familles étaient réunies pour faire griller des poissons multicolores autour de grands brasiers et le lourd parfum des fleurs des arbustes côtiers était si fort que j'avais une idée de ce qu'on peut attendre du bonheur sur Terre, même si le mien est en Tunisie, à l'ombre verte des palmeraies de Nefta ou de Tozeur.
Alors, comme chaque année, je vais retarder d'une heure les aiguilles de mon réveil et attendre tout un hiver qu'on m'annonce à la télé et à la radio qu'il faut maintenant les avancer d'une heure... Triste manège sans musique qui tourne dans le grand vide de mon cerveau qui ne capte plus grand-chose depuis quelque temps. Depuis que je me prends à rêver qu'il existe des ailleurs chimériques où le temps n'a pas le même sens qu'ici et qu'au lieu de m'emporter directement à la fin du parcours institué, il m'emmène par des détours initiatiques, où la vie n'est certainement pas cette grande horloge imposée, rythmée par les tics et les tocs du travail, de la possession, de la rentabilité.
À l'heure où la science révèle la moindre de nos traces génétiques, on nous oblige à gommer la principale, la seule trace atavique qui vaille la peine, celle qui consiste à jouir de la vie.