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Le blog de Michel Giliberti

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michel giliberti

Eh oui les lâches ont la vie dure... mais ça y est, Papon a crevé!

Je vous conseille un livre magnifique « A Vanished World » de Roman Vishniac, avec une préface d'Élie Wiesel,qui est en vente au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris, lieu d'une exposition bouleversante jusqu'au 25 février sur cette époque tragique du nazisme. C'est un livre de photos en noir et blanc, qui au fil des pages, de visages humbles en sourires d’enfants innocents, met en lumière – alors que les juifs étaient traités de nantis et de responsables de tous les malheurs du monde – combien il y avait surtout de juifs modestes pour ne pas dire miséreux.

© A Penguin book

Cette époque tragique m’a toujours bouleversé, et ce, depuis mon jeune âge, car, à Toulon, alors que j’avais tout juste douze ans, mes parents m’avaient amené voir une exposition de photos sur le génocide des juifs. Je n’ai jamais oublié les visages décharnés et hébétés de ces prisonniers dans les camps de concentration et à l’instant même où j’écris je ressens toujours ce malaise qui m’empêche de continuer. Que pourrais-je dire de plus? Tout le monde connaît l’horreur de la Shoah.
Quant au clip qui suit, pas de commentaire, si ce n’est pour un détail : c’était la musique, mais simplement chantée  par une femme, qui ouvrait ma pièce de théâtre " Le centième nom" avec en fond sonore le bruit des grillons.

Voici un extrait d'un texte de l'auteur des photos.

“Je n’ai pas pu sauver mon peuple, j’ai seulement sauvé son souvenir. Pourquoi ai-je fait cela ? Un appareil photo caché pour rappeler comment vivait un peuple qui ne souhaitait pas être fixé sur la pellicule peut vous paraître étrange. Était-ce de la folie que de franchir sans cesse des frontières en risquant chaque jour ma vie ? Quelle que soit la question, ma réponse reste la même : il fallait le faire. Je sentais que le monde allait être happé par l’ombre démente du nazisme et qu’il en résulterait l’anéantissement d’un peuple dont aucun porte-parole ne rappellerait le tourment. [...] Je savais qu’il était de mon devoir de faire en sorte que ce monde disparu ne s’efface pas complètement...”

Roman Vishniac

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Il y a quelques jours, j’étais en visite chez Marie-France et Robert, des amis très proches qui vivent dans une chaleureuse maison nichée dans cette campagne normande où le Méditerranéen que je suis se sent toujours un peu échoué malgré la beauté des paysages, les jardins profonds et les pommiers en fleurs.
Nous parlions de tout et de rien (surtout moi, comme d’habitude, origine oblige!), et nous en somme arrivés à regarder des photos de jeunesse, à remonter le temps jusqu’à confondre les années, à parler sans nostalgie du passé comme s’il était présent, et à le relayer à notre quotidien.
Je contemplais avec émotion la Marie-France de ce temps enfui et dont la grâce, le regard pudique et le sourire gourmand avaient quelque chose de radieux.
Nous évoquions la fraîcheur de ces années où un vent de liberté et d’innocence soufflait encore dans nos têtes ; 68 n’était pas très loin et il nous restait beaucoup à aimer, beaucoup à découvrir, beaucoup à partager. Les douleurs du cœur, comme celles du corps restaient improbables, quelque part dans un avenir estimé encore bien loin.

Et voilà qu’aujourd’hui, alors que je cherchais un papier, je tombe sur des poèmes de mes vingt ans, quand j'aimais les vers qui riment et dont je me suis détaché en rencontrant l'oeuvre de René Char et celle de Saint John Perse.
Ce poème est le témoin de l'énergie et de la fougue que me donnaient mes ambitions. Je ne résiste pas à vous le faire partager. Je voulais y joindre une photo de cette époque, mais mon scan a rendu l'âme. Aussi, je vous en propose une autre où je devais avoir vingt-cinq ou vingt-six ans… Aucun voyeurisme, aucun regret, aucun nombrilisme, juste une tendresse pour ce garçon de ces années-là que je considère désormais comme mon fils…
Je me suis adopté !
C’est dans l’air du temps, non ? Et ça évitera d’attendre qu’une loi le permette ; je vais tâcher de bien m’éduquer :o)



© JCF Fischhoff / 2007

Dans les cafés, les musiques
Et dans mes yeux, la fumée.
Je passais là, héroïque
Mais déjà trop rétamé
De ces bordels assoiffés
Où je giclais mes rancunes
Du fond de lits jamais faits
Dans des trous comme des lacunes.

Puis, vidé et inutile
Je me traînais jusqu'à toi
Pour te voir si docile
T'entrouvrir sur les draps.
Alors, sous tes cris et tes larmes
Je vomissais mes aigreurs
Et te pointais de mon arme
À seulement viser mon coeur.

© Giliberti / 2007
 

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Salim Kechiouche et Samuel Ganes dans "Le centième nom" © Giliberti / 2007

Hier, je vous parlais de cinéma tunisien et ça m’a donné aujourd’hui, l’envie de vous parler de ma pièce « Le centième nom » et de Salim kechiouche qui a été un si beau et si talentueux Jihad quand il l’a jouée en compagnie de Samuel Ganes, à Reims. Quel dommage que le projet de monter cette pièce à Paris batte des ailes pour tout un tas de raisons qui ne m’appartiennent pas! Sauf quand j’ai refusé la proposition de Bernard Omnes qui, même s’il est un excellent metteur en scène, prenait tant de liberté avec mon texte, que je ne retrouvais plus rien de mes intentions. Cette appropriation avait quelque chose de frustrant. Il en était arrivé à me demander de marquer « D’après la pièce de Michel Giliberti », c’est dire les changements.
C’est Renato Ribeiro ensuite qui décida de la mettre en scène et de la faire jouer dans son théâtre de la Commedia, avec Hicham Nazzal dans le rôle de Jihad et Samuel Ganes dans celui de David ; c’était parfait, mais quelques problèmes suffisamment graves l'ont obligé de reporter l’opération. depuis j’attends…
Parfois, je me demande si je ne devrais pas m’impliquer davantage et m’en occuper moi-même, mais j’avoue que si l’ambition artistique me dope, les frais de production la freinent… En attendant, je vous laisse avec ces photos qui me rappellent tant de souvenirs. C’était très émouvant d’entendre mes mots dans la bouche de ces deux acteurs et la vie qu’ils donnaient au personnage.


La fin du spectacle...
J'ai la chance d'être au milieu de Salim et Stéphane qui m'ont fait monter sur scène le soir de la dernière.

La mise en scène était de Stéphane Aucante qui me donna bien des soucis, non avec sa mise en scène à proprement parlé, qui était intelligente et assez spectaculaire, mais avec son choix d’avoir coupé tous les passages politiques essentiels, traitant de la réalité israélo-palestinienne, car sans eux, la pièce perdait beaucoup de sa virulence et s’arrêtait trop aux sentiments ambigus des personnages.
Quoi qu'il en soit, j’espère que cette pièce se montera. Moi, je voudrais en faire un film.


Salim Kechiouche et Samuel Ganes dans "Le centième nom" © Giliberti / 2007


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Moez © Giliberti / 2007

Me voici de retour de la Tunisie et je retrouve avec plaisir mes chères habitudes, mes bruits, mes silences, mon amour… le jardin.
Comme souvent lorsque je suis là-bas, je perpétue mes inquiétudes et mes insurmontables faiblesses, car, vivre en Tunisie, implique chez moi une grande solitude à l’écoute de mes mystères et de mes attentes. Ce pays est un peu un laboratoire où j’apprends à me connaître et à mesurer la distance parcourue depuis le jour où je le quittais pour la première fois.
Je sors peu, j’écris beaucoup, j’arrange la maison, je m’occupe des plantes. Je visite ou reçois de temps à autre les amis. Je ne me mêle pas vraiment à la vie extérieure par paresse et aussi par peur des possibles rencontres qui m’obligeraient. Je reste simplement ouvert à tous et à toutes, mais je ne m’implique que dans l’ordinaire des choses. J’ai tellement été à la rencontre des autres pendant des années que ce repli ne me prive de rien. Je ne peux pas, je ne sais pas avoir trente-six mille connaissances qui captureraient mon autonomie et briseraient ma capacité à m’intérioriser.
Cette année, Sihem, une amie, m’a laissé sa grande maison à deux cents mètres des ports puniques (un espace que j’adore pour tout ce qu’il représente d’historique et pour son calme et sa beauté) et de la mer ; je m’y suis barricadé.
 
Un bout des ports puniques © Giliberti / 2007

J’avais besoin de faire le point et j’ai trahi Sidi Bou Saïd pour écouter les bruits de Carthage…
 

Un bout des ports puniques © Giliberti / 2007

Les oiseaux d’abord, très tôt, puis à huit heures précises l’hymne national du collège secondaire derrière les oliviers et les palmiers. Plus tard, la musique lancinante de quelques radios lointaines... puis les cris enfin, les rires, les jeux des élèves pendant la récréation et la sortie du collège… la vie, quoi ! cJ’écoute ; tout juste bon à capter les sons qui ne me parlent pas, (je comprends trop peu l’arabe) et qui surgissent, éclatants et vigoureux comme une musique qui pulse dans mes veines.


Collège  secondaire en face de la maison © Giliberti / 2007

C’est toujours très étrange d’entendre un flot de mots dans leur secret, et soudain, d’en capter quelques-uns, compréhensibles, qui vous donnent un peu du sens des conversations qu’ils animent… comme une phrase musicale simple ferait son entrée dans une composition complexe et aussitôt, l’allégerait.
C’est aussi une clef, un passeport pour une musique du langage qui vous échappe et qui revient, syncopée de quelques points d’encrages salutaires.
Mémoire des mots et des passions.
Mémoire des petits riens et des grands touts.
Liens entre la poésie et la rigueur d’une langue. De l’abandon et du réveil.
Ce que j’évoque là, me rappelle qu’un soir, alors que je regardais la télé, j’ai vu Sarkozy affirmer avec une belle assurance et une supériorité de ton dont il a le secret, que les étrangers s’installant en France devaient apprendre le Français, le parler, le lire, l’écrire… Et comme j’étais en Tunisie, ses mots avaient une autre résonance. Ils me donnaient à penser à ces colons français qui, installés dans tout le Maghreb pendant plus d’un siècle, ont imposé aux Marocains, Algériens et Tunisiens le français sans jamais faire l’effort d’apprendre la langue arabe. Ils leur volaient leur terre, mais encore leur identité… Prétention française, arrogance française… et ça continuera avec ce petit coq !
Étrange voyage en réalité que le mien en ce mois de février ensoleillé et chaud. Incroyablement chaud.
J’étais parti pour faire un petit saut bénéfique avant un autre plus grand et bien plus difficile dans ma vie future cernée de tant de dangers, mais ce fut un voyage dans l’arrêt des choses et des gens.


Moez © Giliberti / 2007

Je remercie Sihem pour sa grande générosité, ses preuves d’amitié tout au long de nos grandes conversations, et pour m’avoir incité à voir deux films tunisiens formidables dont je reparlerai plus en détail ; merci aussi à sa cousine Zeineb, à Saïd et ses amis, Moez toujours là, calme, patient et à l’écoute, Sybille étrange et retenue, presque mystérieuse qui m’a invité dans un des plus beaux restaurants de Tunisie, un vrai palais de contes des mille et une nuits ; merci à tous ceux qui savaient que cette année, mes vacances étaient  une convalescence de l’âme pour nommer plus poétiquement mon mental assez malmené ces derniers temps devant  mes incertitudes de la vie.


 Moez © Giliberti / 2007

Bien… Il va falloir me réveiller du sens aigu du tragique et jouer avec celui, plus flou, mais tout aussi pervers de l’anodin.


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Je ne me souviens plus du prénom de ce modèle, je l’ai peu connu. Je l’ai peint pour son visage qui, sans être mon idéal en peinture, avait pourtant la luminosité, les rondeurs et l’espièglerie des Bacchus de Caravage ; ma passion pour cet artiste m’a fait emprunter son sillage, le temps d’une toile où j’ai déliré un peu pour casser le côté angélique du modèle.


Beaucoup de mal à installer quelque chose sur le blog aujourd'hui, mais à 23 heures précise, comme prévu, c'est parti. Bravo à toute l'équipe d'Over-Blog. Les hommes politiques devraient en prendre l'exemple :o)


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Bravo la Police Tunisie

envoyé par papeur

Surprenant, non?
Ben oui...  on aimerait mieux les voir comme ça partout...

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Le repli sur soi est un asile intemporel et enivrant ; le mien enferme mes appréhensions avec tant de précautions qu’il me fait croire à une étreinte.
Comme l'animal revient toujours à son points d’eau, la solitude, fidèle, a soif de moi et des rythmes qu’elle y trouve.
Souvent, quand descend le soleil à l’horizon, j’ai des oublis vertigineux du monde. Je suis alors en proie à mes dérives venues d’une autre rive, d’un autre pays, d’un autre pan de ma mémoire.
Dans ces moments, distrait de toutes les choses qui réconcilient l’homme à la terre, je rêve de me glisser dans la peau de ceux qui savent rencontrer le bonheur et en jouir.
Moi, c’est toujours difficile. Le bonheur reste une escale dangereuse, alors même que je le côtoie depuis des décennies.
Lorsque j'avais vingt ans, quand j'acceptais de briller en société et d’être celui qu’on remarquait, j’éprouvais de l’amertume à faire croire que ça me convenait. Je me trouvais stupide de jouer le jeu, alors qu'en moi, tout me poussait au repli, tout me criait que rien ne dure, que le bonheur est une chimère, que ma jeunesse n’était qu’une enveloppe passagère.
Je ne pouvais parler de cela à mes amis avec qui je partageais en toute complicité tant de choses simples… Comment leur aurais-je expliqué que j’avais froid quand ils avaient chaud et que j’étais là-bas, quand ils étaient ici.




Je crois que c’est cela que je laisse traîner dans mes toiles... une certaine esthétique des choses et des gens, mais abimée et entravée par l’impossible jouissance du moment.
Quand Romain posa pour ce tableau, je l’ai laissé s’enfoncer dans une absence qui me rappelait la mienne à son âge… J’ai ajouté entre les doigts de sa main droite l’inquiétante représentation de la blessure et de la mort, la sienne ou celle des autres… tout près du sexe, comme une castration ; la mort comme une complice qui vous tue, la mort comme un crime !




Je ne devrais jamais écrire sur les coups de 19 heures, c'est l'heure de tous mes démons... quand je pense que génerallement, une heure après, tout va mieux, je me trouve nul d'avoir la tentation d'écrire trop tôt.

Romain fume sur ce tableau ; c'est presqu'une ancienne époque, puisque "demain", il sera interdit de fumer dans les lieux publics.
Et ce n'est pas fini, on va tellement s'occuper de notre santé, que l'état, gardien des lois, finira pas être notre geôlier.

 Carpe diem, carpe diem...



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Ce grand tableau de D’geyrald devait être le premier d’une série. En fait, nos emplois du temps respectifs ne nous ont pas permis d’aller plus loin.
C’est un beau souvenir.
Nous avions longuement parlé ensemble du métier de chanteur, (métier que j’ai pratiqué dans les années 70) de la fragilité qu’il peut installer chez un jeune propulsé trop tôt (et souvent mal) dans un système qui lui échappe.
J’avais envisagé de lui écrire des textes de chansons, mais comme toujours, il est difficile de maintenir toutes les promesses, dès lors qu’on ne se voit pas assez souvent.
Il y a quelque temps, nous nous sommes rencontrés pas hasard devant la librairie Blue-Book. Nous avons pris un pot ensemble et il m’a parlé avec enthousiasme de sa passion pour la peinture, de ses projets en la matière et surtout de son investissement
en Afrique au sein de sa fondation "Association Soleil d'art".

Beau mec, belles idées, bel entrain.




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J'avoue ne pas trop avoir le temps ces jours-ci d'écrire sérieusement, alors, j'en profite pour laisser quelques traces de mes romans... ce passage est extrait de "Le bruit paisible des secrets", une histoire d'amour conflictuelle entre deux frères qui ne se connaissaient pratiquement pas.


 




(...À ce moment du roman, Guillaume le frère ainé se précipite en voiture à l'hopital où son jeune frère, tombé dans un comas éthylique vient d'être transporté ...)


[...] Il sait qu’il aime son frère. Il sait que c’est malsain aux yeux des autres, mais il s’en balance. Il ne peut rien combattre.
    Si Romain devait mourir, il se tuerait sans hésiter.
    Tout ce chaos terrestre n’a de sens que si l’étincelle qui brûle son âme a le droit de se consumer.
    Envers et contre tous.
    Le ciel de plus en plus gris vire au beige, plus exactement à la couleur du mastic. Il pourrait neiger d’ici ce soir ou demain.
    Onze heures moins dix.
    Il allume la radio.
    Emminem transperce son cerveau.
    Terrible, cruel, violent.
    Insensé, dans ce décor de silence.
    Les mots du rappeur traversent l’espace clos de la voiture, comme des coups de couteau. Ils s'abattent, ils s'abattentsans cesse! Guillaume les reçoit dans son corps, alors que, tournant après tournant, arbre après arbre, la route de campagne défile, traverse les forêts bordées de fougères desséchées, les champs immenses que les corbeaux,
en véritables propriétaires, survolent.
    Il n’essaie pas de comprendre ce que vomit Emminem, mais sa rage lui convient. Elle lui balance une correction en pleine gueule, comme une haine justifiée.
    Guillaume presse le bouton de la radio pour accentuer les décibels meurtriers et prendre conscience de son impossibilité à apprivoiser le malheur.
    Aucune piste dans sa tête.
    Aucune balise.
    Aucun garde-fou.
    Épuisé et nomade, il ne sait plus où se trouve l’essentiel. Il ne sait plus où se poser, établir une base définitive. Y aurait-il quelque part dans cet univers où prône l’ordre des choses, l’écriture d’un fou qui lui redonnerait raison ?
Évreux se dessine en bas de la nationale qu’il vient de prendre à la sortie du dernier village et dans quelques minutes, il se retrouvera à l’hôpital.
    Son cœur bât très fort.
    Son déménagement matinal et sa nuit d’ivresse se font ressentir.
    Ses membres sont douloureux.
    Son crâne lui fait mal.
    Il ferme la radio.
    Emminen la boucle.
    Guillaume veut gueuler.
    Du plat de la main, il balance un coup violent sur le volant et serre les mâchoires.[...]


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Ce tableau a servi à faire la pochette de mon livre "Les yeux silencieux". Je trouvais que ce personnage était très proche de Thibaud, le jeune garçon un peu autiste du roman.
 


[...] La voiture s’immobilise sur le parking, les garçons en sortent et se dirigent vers l'entrée d’un immeuble devant laquelle tois autres jeunes discutent emmitouflés dans leurs doudounes.
    Claquements de mains, tapes amicales sur l’épaule pour la rencontre, et tous décollent aussitôt vers un autre immeuble. Les dos sont ronds, les bonnets bas et la démarche impressionnante. Tous les sept avancent silencieusement dans l’éclairage sans fard des réverbères puissants ; la cité doit être claire, lisible, et n’effrayer personne. Elle inonde de clarté des jeunes gens qui aimeraient partager des secrets, des rires sans avoir un avant-goût du poste de police en pleine gueule. Aussi, de temps à autre, dans le silence des nuits profondes, quand dorment les télés, on entend une ampoule à décharge exploser sous des jets de pierres anonymes. Dès le lendemain, ce petit halo d’obscurité devient le centre des lumières.
    Fini la cave !
    – Où est son bloc ? demande Vincent.
Rachid renifle et pointe du menton un autre grand ensemble, La pépinière.
    – C’est là-bas... l'immeuble Les Marjolaines.
    – Les Marjolaines ? C’est joli !
    – Quand tu verras ceux qui y squattent, tu trouveras qu'il aurait dû s’appeler «Cannabis ».Tout l’ensemble, d’ailleurs !
    Vincent sourit, mais redevient vite sérieux. [...]

  In "Les yeux silencieux" (Editions bonobo - 2003)


[...]
    – Faut se rendre au point d’eau et boire avec les autres animaux… On f’ra gaffe aux prédateurs, c’est tout. Y aura toujours des dieux cachés pour inventer nos rêves… Des pluies tièdes pour nos blessures.

    Vincent prend une grande inspiration et clôt son lyrisme à regret. Il ne veut pas engluer Thibaud dans des discours trop réfléchis ou trop éloignés de la réalité.
   Pourtant… Il voudrait encore lui dire qu’il vient de comprendre que l’on s’égare vite, que notre minuscule énergie dans le cosmos n’est rien d’autre que l’énergie de la peur, et que dans la Voie lactée les questions sans réponse ne renvoient qu’un ultimatum : s’aimer !
    Il voudrait lui dire ses impatiences, ses hésitations… la sagesse qu’elles lui inspirent.
    Il voudrait lui dire que l’on peut avoir vingt-deux ans et envisager pourtant une vie à se nourrir d’un même corps.
    Il voudrait lui dire le rien, la fascination de l’essentiel… Le sable brûlant entre les doigts, les grillons invisibles dans la nuit, les vertes lucioles qui palpitent dans les jardins profonds.
    Alors, il ne dit pas tout ça, même si Thibaud lui donne des ailes.
    Alors, il s’approche encore.
    – Je t’aime !
    Il lui a dit le tout ! [...]

In "Les yeux silencieux" (Editions bonobo - 2003)

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