Le bruit mat de sa nuque contre le mur ne m’a pas surpris sur l’instant, je crois même qu’il m’a soulagé. Mais là, dans le silence inhabituel, je l’entends pulser et marteler mon crâne avec la fidélité imbécile d’une boîte à rythmes.
Pareil… Même choc ! Assourdissant et silencieux… Même paix artificielle après.
J’ai aussitôt avalé ma salive et n’ai plus bougé. Au moindre geste, la réalité aurait pu reprendre ses droits.
Délivré et perdu à la fois.
Alors, je suis resté déconnecté, à rechercher quelque chose d’indéfinissable… Peut-être la solution ou la marche arrière. L’espoir de vivre un cauchemar.
Le plaisir du soulagement a été trop bref, et l’horreur venait de commencer.
Son immobilité m’a déconcerté. Rien, en dehors de cette constatation, ne concluait à la mort. Sa peau était toujours dorée, ses yeux vifs et sa bouche brillante d’une salive intacte.
J’ai attendu, attendu.
Des heures.
Oui, des heures, puisque le soleil n’inonde plus la pièce. Ce n’est pas spectaculaire, mais déjà ses lèvres se ternissent et n’arrivent plus à garder cette moue hautaine qui lui donnait l’air de toujours se foutre de la gueule du monde. Une sorte de rictus la remplace. Et puis ses yeux ne regardent vraiment plus rien, une de ses paupières tente même de s’abaisser en un sinistre clin d’œil qui me glace le sang.
J’amorce un mouvement qui fait s’échapper de ma gorge un cri de douleur. Ma trop longue immobilité à genoux près de lui a eu raison de mes articulations.
L’angle de vue ainsi modifié, je crois une nouvelle fois qu’il n’est pas mort. Je m’approche. Ma main, après une hésitation, se pose sur son visage.
Presque froid ! Déjà ! Merde !
C’est terrible. Ce matin, en se levant, il ignorait que pour la dernière fois il actionnait les lamelles des stores avant de boire son dernier café.
Comment se fait-il que nous ne sentions pas venir cet ultime instant de rupture… Faut-il être fou pour accréditer nos capacités à pressentir les évènements… Rien !… Rien sur sa face de bellâtre ne reflétait une quelconque inquiétude, une quelconque angoisse du devenir. Il s’était admiré longuement dans le miroir de la salle de bains tandis que je cherchais un pansement pour une stupide coupure au doigt. /...