Hier au Salon du livre, un visiteur s’est approché du stand des éditions Bonobo où j’étais installé pour dédicacer mes romans et m’a demandé d’un air un peu précieux, pour ne pas dire, affecté, s’il pouvait disposer de quelques marque-pages. Je lui dis que oui, bien sûr, mais au bout d’un moment, son enthousiasme excessif à dévaliser le stand, sans même regarder les livres des auteurs présents sur le stand, sans la moindre courtoisie, m’interpella. Je lui dis gentiment, et avec humour, qu’il pouvait aussi être curieux des ouvrages exposés et là, surpris par mon audace, il me dévisagea avec mépris, comme si ce que je venais de dire était incongru.
« Pourquoi ? » me demanda-t-il.
Sa réponse m’interpella et comme je m’en étonnai, il ajouta très vite pour couper court à toute investigation verbale : « Avec tous les marque-pages du salon, croyez-moi, c’est bien suffisant à lire, et puis les livres, vous savez… » (Il haussa les épaules et souffla avec ostentation pour bien marquer l'ennui qu’ils lui inspiraient.)
Je vis brusquement dans ses yeux la somme de ses non-lectures.
Je pensai alors que je préférais encore l’innocence de mes chères caissières de chez Leclerc qui n’avaient pas eu la chance d’acquérir une culture suffisante à ce bouffon hautain qui pouvait prétendre à l’inculture et à la justifier.
Quelle misère !
Cependant, le salon m’a permis de rencontrer des gens délicieux comme cette conservatrice de musée au visage très doux, aux mots apaisants avec qui j’ai partagé beaucoup d’émotion.