La discussion avançait tranquillement quand, au bout de quelques instants, elle me dit : « Les homosexuels, c’est formidable ! Je les comprends tout à fait, ce sont des êtres exquis, si drôôôles... c’est géniaaal! ils ont du goût, leurs appartements sont toujours ravissants et ils sont si propres... »
Je lui répondis que c’était une vision bien réductrice des gays et je lui rappelais que nous nous battions aussi pour avoir les mêmes droits que tous.
Elle me rétorqua. « Se battre ? mais pour quels droits ? c’est idiot ! C’est comme si tous les diabétiques manifestaient… Ils ne peuvent quand même pas vivre comme les autres, on le sait ! Ils sont en prison. »
Pressentant le pire, je lui demandai ce qu’elle entendait par « en prison ». Elle me rétorqua entre deux petits-fours (nous étions à un vernissage) : « Notre société réclame une certaine virilité, une certaine audace, non ? Les homosexuels sont bien trop emprisonnés dans leur impossibilité de s’intégrer à elle... le vrai problème, c’est qu’ils sont en prison, je vous assure. »
Eh oui, je vous passe le reste, car j’étais à deux doigts de lui faire avaler tout l’or de ses breloques qui dégoulinaient sur elle, lui faisant comprendre qu’une minorité peut aussi espérer que la majorité les accepte comme ils sont, mais c’était difficile à lui faire admettre qu’elle n’était pas si compréhensive que ça… et que le milieu gay l’intéressait un peu comme les gens vous disent que les favelas sont « Formidaaables !!! » et que c’est « Incroyaaable !!! » ce que les pauvres peuvent faire avec un rien… sans tenter de se mettre à leur place.
Bref, en étant de charmants jeunes gens, dociles, propres et fantaisistes, nous étions, pour cette dame, suffisamment récompensés par le regard honnête de la société.
Nous étions un peu, grâce au quartier du Marais, des animaux exotiques qu’il fallait parquer dans un Thoiry conservateur ; une certaine idée de la « prison » pour homosexuel(le)s, tolérée par ceux qui les rejettent. Quelle misère!
Heureusement que ce discours n’est pas majoritaire ( quoi que... ! )
Voilà pourquoi, sur ce tableau, si la position des personnages peut faire croire à l’unité, au rapprochement et à la tranquillité, les regards, eux, semblent inquiets et refléter ( pour Xavier, tête sur les genoux ), une inquiétude et pour Franck, un fatalisme devant un horizon incertain.
Il faudra que je parle un jour de Xavier… plus tard, quand j’y parviendrai.