À peine avions-nous pénétré les lieux, nous fûmes accueillis par d'impressionnantes et innombrables guirlandes d'un feuillage en plastique qui courait autour des cuivres rutilants au-dessus de la cheminée, le long des poutres au plafond, et jusque dans les encoignures des murs avec la vigueur d'un liseron capricieux qui méritait un bon herbicide. Les nombreux miroirs auxquels incombait la triste tâche de refléter la caissière, étaient, eux aussi, parcourus de cette extravagance herbacée et l'ensemble, triste à pleurer, affichait le décor d'une fête ratée. Bref, le tout se voulait très « rustique » autour des nappes rose layette.
Pour nous, c'était parfait. Nous aurions de quoi oublier nos soucis.
À peine étions-nous installés, Jean-Charles sortit une cigarette pour se détendre. À ce moment, la harpie de service s'est précipité sur lui, toutes dents en avant pour dire qu'on ne fumait pas dans ce restaurant. Nous avons alors demandé où se trouvait « l'espace fumeurs ».
La charmante serveuse nous affirma que ce restaurant était totalement non-fumeur et elle ajouta avec un large sourire (seulement large et point beau) « qu'ils » avaient décidé avant que la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics ne passe, de l'appliquer pour des raisons de santé, car leur clientèle le méritait.
Il était tard, nous avions très faim. On abdiqua.
Nous commandâmes deux énormes assiettes de fruits de mer, un bon vin blanc, et voilà !
Trois heures plus tard, au milieu de la nuit, ce fut la course aux toilettes, chacun à se vider, en écoutant le chant subtil des coliques de l'autre.
Ce matin, l'estomac encore mis à rude épreuve par les bulots et autres coquillages de la veille, nous sommes heureux de ne pas trop avoir absorbé la fumée d'un tabac qui aurait pu altérer nos poumons... et félicitons les responsables de ce restaurant exemplaire qui se soucient tant de la santé de ses clients.
Y a pas que le polonium qui tue !
Quelle misère !