L’heure du sfumato pour les artistes de la Renaissance italienne, l’heure qui modèle les visages en fin de journée, quand tout devient bleu, quand les traits de chacun semblent apaisés, presque recueillis, quand le temps n’est plus qu’à la réflexion, à la détente.
L’heure bleue…
L’heure de tous les ailleurs, de tous les possibles. L’heure qui déclenche chez moi une grande nostalgie, une immense introversion, jusqu’à l’introspection, qui date des heures bleues d’autrefois où j’attendais en soirée, isolé dans le jardin de mes grands-parents, que mon père leur dise au revoir et qu’enfin, nous rentrions à la maison. De cette attente, à contempler chaque chose d’un jardin immobile dans la tiédeur des soirées tunisiennes, à les voir s’évanouir doucement dans le bleu de la nuit qui approchait, naissaient des inquiétudes fantasques dans mon esprit exalté.
Ici, dans mon jardin, l’heure bleue est aussi celle des oiseaux, de leurs dernières discussions au sommet des arbres, au creux des bambous, ou à même le sol comme les tourterelles et les merles qui, à l’ombre des buissons en fleurs, défient les chats.
L’heure bleue…
L’heure d’avoir sur la langue et dans le sang la chaleur d’un alcool en regardant dehors… où rien ne vous regarde. L’heure de franchir les portes des interdits.
Et penser à ses mains, à ses bras…
Et sentir la morsure de ses dents à vos lèvres…
Et croire qu’ici, chez vous, c’est aussi les parfums de là-bas qui s’exhalent.
L’heure bleue…
L’heure où le guerrier obscur qui vit en vous dans la journée sait se retirer et vous laisse recevoir en soirée l’homme en paix qui brasse vos idées et moissonne vos désirs.
Dans mes nuits écorchées
Chaque mot
Dans mes phrases avortées
Savent te dire
Les promesses et les voeux
À l’image.
De tes lèvres
© Giliberti / 2007