Ma mère, pétrie de toute son âme corse, était une grande superstitieuse.
Un parapluie ouvert dans un intérieur la mettait en émoi, une bouteille d'huile cassée la troublait tout à fait, du sel renversé sur la table lui faisait présager une dispute familiale imminente qui, à force d'être appréhendée, arrivait fatalement.
De toutes ces superstitions dérisoires, deux seules me convenaient, charmantes et poétiques. La première venait des abeilles qui lorsqu’elles pénétraient la maison étaient supposées apporter du bonheur, si au bout d’une sorte de litanie formulée en toute hâte par ma mère, l’abeille décidait de rester dans la maison. La deuxième venait des papillons qui, eux aussi, s’invitant chez nous par inadvertance, voletaient un peu partout à la recherche de la sortie. Là, nul besoin de prière, ils annonçaient une bonne nouvelle avant trois jours.
Et ce matin, en rangeant des papiers concernant ma pauvre mère, j’ai retrouvé cette photo maladroite que j’avais prise en toute hâte, l'été dernier. J’ai eu un pincement au cœur.
Est-ce que ce papillon sur une fenêtre de l'atelier m’apportera du bonheur dans les trois jours comme s’il était vraiment venu voleter autour de moi ?