En Iran, la condamnation à mort par lapidation de Sakineh Mohammadi-Ashtiani me rappelle cet extrait de mon dernier roman. À ma façon, et même si ce que je décris ne se passe pas en Iran, ce texte permet de me joindre à tous ceux qui luttent pour mettre fin à cette sordide histoire d'un autre temps.
... /...Le temps d’allumer une cigarette, il s’arrêta par hasard sur une chaîne d’information et de reportages en continu qui donnait à voir sur une route de Kaboul inondée de soleil, une femme en burka, battue à coups de pied et lapidée par une horde de fondamentalistes talibans confortés dans leur illusion d’être au plus prêt d’un islam pur.
L’image n’était pas très bonne, sûrement tournée en caméra cachée, mais suffisamment violente pour que Gilles, encore dans les confidences de sa mère, écarquille les yeux, brusquement envahi par l’horreur qu’il n’attendait pas.
Il tira sur sa cigarette et se saisit de son verre de coca.
...La malheureuse femme trébuchait sous les coups, se prenait les pieds dans sa tunique, jusqu’à ce que doucement du sang apparaisse ; auréoles sombres sur le bleu indigo de sa burka...
Gilles se mordit les lèvres, ce qu’il voyait dépassait l’entendement. Il tira très vite plusieurs fois sur sa cigarette tandis que de son autre main il serrait de plus en plus fort le verre de coca.
...Les coups pleuvaient.
Toujours.
Hallucinants.
Lâches.
Autour de la femme en bleu, la poussière jaune de la route tourbillonnait sous le martèlement des hommes qui hurlaient et redoublaient d’acharnement bestial.
Les tâches de sang se multipliaient.
La femme ralentit son pas, puis tomba à genoux.
Par trois fois, elle tenta de se relever, puis comme une biche sous la morsure des chiens, elle s’arrêta, vaincue. Elle ne pouvait plus combattre. Ils étaient trop forts… trop courageux...
Gilles se sentit mal à l’aise.
Un filet de sueur serpentant sur sa nuque le fit tressaillir.
Il n’avait jamais assisté à une telle abomination, à un tel massacre, ne l’avait même, jamais imaginé.
Et quand, toujours dissimulée sous sa burka qui deviendrait son linceul, la proie de ces hommes sang nom, s’allongea définitivement, face contre terre, dans un dernier soubresaut de bête abattue, Gilles vit partir le verre en éclats sous la pression de sa main tétanisée par son stress.
D’un trait, le coca se répandit sur son jean et sur les draps puis glaça la peau de ses cuisses.
Cette douleur imprévue et celle de la malheureuse victime le firent sursauter et se relever d’un bond, les yeux révulsés par la peur. Il ne faisait plus la distinction entre la femme agonisant dans son sang et lui, au plus près du sien qui, chaud et poisseux, coulait de sa main entaillée jusqu’à l’extrémité de son coude. Son regard se posait d’une image à l’autre sans qu’il parvienne à trouver le geste qui l’aurait mené à évaluer ses blessures. ... /....
lapeaudumonde.com / Giliberti / éditions bonobo