J’ai passé le plus clair de mon temps à faire à peu près ce que je voulais. J’ai grandi au-dessus de l’Olympia, le cinéma dont mon père s’occupait.
Je courais avec le même bonheur de la cabine de projection à la salle, pendant ou en dehors des séances.
Je pouvais voir tous les films nouveaux dont certains allaient devenir des classiques.
J'étais toujours exalté, toujours plein de rêves. Je le suis toujours. J’ai même longtemps envisagé de rouvrir ce cinéma en tant que tel, ou d’en faire un vaste centre culturel ; d’ailleurs, lorsque le film Cinéma Paradiso est sorti, j’ai eu un coup au cœur, une émotion extrême, tant l’histoire de Toto, le petit garçon, était proche de la mienne. Mais le temps a quelque peu écorné ce rêve difficile à réaliser pour tout un tas de raisons…
Si je parle de ce passé, c’est parce qu’hier soir, j’ai eu une conversation très éprouvante avec une amie qui me parlait de son enfance, de sa souffrance d’avoir été une enfant maltraitée, bafouée dans ses moindres désirs.
J’étais bouleversé, même si je connaissais déjà son histoire.
L’enfance est si brève ; la voir sapée par des géniteurs infâmes a quelque chose de révoltant… Elle ne devrait être que le temps de tous les espoirs, de toutes les forces, de toutes les constructions, jamais de cet exil dans les souvenirs condamnés.
Ne pas pouvoir se rappeler les caresses, ne pas pouvoir se rappeler le sourire de son père et de sa mère est un vol dans l’enfance.
Et ce souffle qui manque à l’adulte blessé vaut bien ces quelques lignes.
D’autres vivent de ses gifles, de ses coups
Et ceux-là s’en souviennent.
Chaque amour avorté porte en soi
Les sourires et les mots qui lui manquent
Celui-là s'en consumme.
La vieillesse est un vent qui se meurt
Quand celui de l’enfant souffle et gronde.
Naufragés au tombeau,
Les parents crèvent en paix
Naufragés au berceau
Les enfants vivent en guerre.
© Giliberti / 2007