
De mon côté, en bon fidèle de cette paroisse de la consommation, j’avais en ce saint dimanche, un besoin urgent d’achats, sachant que le lundi de Pâques, tout serait fermé !
Il y avait un monde fou et au milieu de la foule, j’aperçus, au milieu des autres, des chariots d’un nouveau type, quasi verticaux et sur deux gros pieds à roulettes, un peu comme un miracle… une multiplication soudaine de réceptacles à denrées.
Ce phénomène inexpliqué s’était déjà produit, il y a quelques années, quand des chariots éducateurs pour enfants étaient apparus un dimanche et que des parents inconscients les avaient aussitôt fourgués à leurs rejetons afin de perpétrer la divine consommation !
Mais je m’égare… J’en reviens à mon sujet de prédilection : mes caissières !
Ce dimanche, ma préférée d’entre toutes, discutait avec une cliente le temps de « passer » les articles. Je n’avais pas entendu le début de leur conversation et je rapporte ici la fin qui me fera toujours regretter de ne pas avoir tout entendu.
« C’est comme les casseroles, au début ça tient… et puis après, le manche, y s’défait, et quand ça s’défait, y’a tout qui tombe. »
La cliente hocha la tête en signe d’adhésion absolue avec cette tragique constatation.
« C’est pour ça qui faut en changer, répondit-elle bravement, une batterie neuve de temps en temps… ça vaut mieux, plutôt qu’d’attendre qu’ça lâche... »
Et ma caissière, tout en rangeant le chèque de la cliente, bien à plat dans un coin du tiroir-caisse, conclut avec gravité :
« Ben oui, une batterie neuve, c’est sûr, ça vaut mieux ! Parce qu’avec toutes ces casseroles et tous ces manches qui nous partent des mains, c’est pas drôle ! C’est comme nous, à la fin, on est toutes usées, toutes vieilles, tout en vrac, faudrait tout nous r’faire du cul au manche ! »
Phrase obscure, compréhensible dans le fond, et pleine d’audace, qui eut l’air de satisfaire les deux femmes. Tout était dit. Il ne restait plus qu’à conclure. Elles le firent d’un haussement de sourcils compatissant et d’un soupir qui en soufflait long sur l’injustice de ce monde.