Ne connaîtront jamais
Le seul satin
Qui vaut d'être touché
Tous les crétins du monde
N'écouteront jamais
Le seul tam-tam
D’un coeur
Qui cogne au jour premier.
© Giliberti / 2007
Lorsque je photographie un modèle, il m’arrive souvent de lui demander d’improviser pendant la première demi-heure, ou plus encore. Ça lui permet de prendre une certaine distance et de s’approprier ce rapport si particulier entre le modèle et l’artiste.
Au début, il cherche des positions très académiques qui ne m’intéressent pas, mais qui le rassurent, aussi je rentre dans son jeu et prends quelques clichés. Puis, je commence à le questionner sur ce qu’il aime, ce qu’il voudrait faire dans la vie, bref, à l'abri derrière mon objectif, je m’aventure facilement. Cette approche, passionnante pour moi, me permet de tendre un pont entre deux timidités, car à ce cébut de l'aventure, ni le modèle, ni moi-même ne sommes au mieux de notre forme.
Ce jour- là, je recevais Amar, un garçon arrivé en France depuis peu et qu’un ami m’avait recommandé. Je le trouvais beaucoup trop musclé, mais je ne dis rien, car je le sentais heureux de poser et quand je lui demandai d’improviser, il a voulu un grand plat creux et un fruit ou un petit objet. J’ai trouvé un raku à ma portée et un petit galet, souvenir d'une plage de Grèce ; je les lui ai passés. Il a pris le galet en main, le raku dans l'autre, puis avec une expression ineffable de joie et une gestuelle émouvante, il a pris une position qui lui rappelait, m’a-t-il dit, son Afrique natale où les gestes simples, comme la cueillette, étaient pour lui un vrai plaisir.
Du coup, très ému, je l’ai photographié avec bonheur, ne pensant plus à sa plastique trop imposante qui me bloquait. Par la suite, comme à la fin d'un rituel, il s’est senti très à l’aise et notre séance de photos est partie dans une autre direction, mais de ce premier instantané, je garde un souvenir touchant et inoubliable.
Enfin satisfait, je signai le tableau.
Je réalisai alors à quel point mon inconscient avait été troublé par cette première photo avec Amar que les sentiments si spontanés d'appartenance à son pays avaient inspiré. Ils revenaient ce jour-là et me permettaient d'achever mon travail.
Jadis, les riches choisissaient leurs esclaves sur un marché... les époques changent, pas les hommes.
À qui le soleil ?
Acquis l’obédience !
À qui le pouvoir ?
Acquis la misère !
À qui le profit ?
Acquis l’hilotisme !
À qui la main mise ?
© Giliberti inBleus d'attente / 2001