Nous parlions de tout et de rien (surtout moi, comme d’habitude, origine oblige!), et nous en somme arrivés à regarder des photos de jeunesse, à remonter le temps jusqu’à confondre les années, à parler sans nostalgie du passé comme s’il était présent, et à le relayer à notre quotidien.
Je contemplais avec émotion la Marie-France de ce temps enfui et dont la grâce, le regard pudique et le sourire gourmand avaient quelque chose de radieux.
Nous évoquions la fraîcheur de ces années où un vent de liberté et d’innocence soufflait encore dans nos têtes ; 68 n’était pas très loin et il nous restait beaucoup à aimer, beaucoup à découvrir, beaucoup à partager. Les douleurs du cœur, comme celles du corps restaient improbables, quelque part dans un avenir estimé encore bien loin.
Et voilà qu’aujourd’hui, alors que je cherchais un papier, je tombe sur des poèmes de mes vingt ans, quand j'aimais les vers qui riment et dont je me suis détaché en rencontrant l'oeuvre de René Char et celle de Saint John Perse.
Ce poème est le témoin de l'énergie et de la fougue que me donnaient mes ambitions. Je ne résiste pas à vous le faire partager. Je voulais y joindre une photo de cette époque, mais mon scan a rendu l'âme. Aussi, je vous en propose une autre où je devais avoir vingt-cinq ou vingt-six ans… Aucun voyeurisme, aucun regret, aucun nombrilisme, juste une tendresse pour ce garçon de ces années-là que je considère désormais comme mon fils…
Je me suis adopté !
C’est dans l’air du temps, non ? Et ça évitera d’attendre qu’une loi le permette ; je vais tâcher de bien m’éduquer :o)

Et dans mes yeux, la fumée.
Je passais là, héroïque
Mais déjà trop rétamé
De ces bordels assoiffés
Où je giclais mes rancunes
Du fond de lits jamais faits
Dans des trous comme des lacunes.
Puis, vidé et inutile
Je me traînais jusqu'à toi
Pour te voir si docile
T'entrouvrir sur les draps.
Alors, sous tes cris et tes larmes
Je vomissais mes aigreurs
Et te pointais de mon arme
À seulement viser mon coeur.