J'avoue ne pas trop avoir le temps ces jours-ci d'écrire sérieusement, alors, j'en profite pour laisser quelques traces de mes romans... ce passage est extrait de "Le bruit paisible des secrets", une histoire d'amour conflictuelle entre deux frères qui ne se connaissaient pratiquement pas.
(...À ce moment du roman, Guillaume le frère ainé se précipite en voiture à l'hopital où son jeune frère, tombé dans un comas éthylique vient d'être transporté ...)
[...] Il sait qu’il aime son frère. Il sait que c’est malsain aux yeux des autres, mais il s’en balance. Il ne peut rien combattre.
Si Romain devait mourir, il se tuerait sans hésiter.
Tout ce chaos terrestre n’a de sens que si l’étincelle qui brûle son âme a le droit de se consumer.
Envers et contre tous.
Le ciel de plus en plus gris vire au beige, plus exactement à la couleur du mastic. Il pourrait neiger d’ici ce soir ou demain.
Onze heures moins dix.
Il allume la radio.
Emminem transperce son cerveau.
Terrible, cruel, violent.
Insensé, dans ce décor de silence.
Les mots du rappeur traversent l’espace clos de la voiture, comme des coups de couteau. Ils s'abattent, ils s'abattentsans cesse! Guillaume les reçoit dans son corps, alors que, tournant après tournant, arbre après arbre, la route de campagne défile, traverse les forêts bordées de fougères desséchées, les champs immenses que les corbeaux, en véritables propriétaires, survolent.
Il n’essaie pas de comprendre ce que vomit Emminem, mais sa rage lui convient. Elle lui balance une correction en pleine gueule, comme une haine justifiée.
Guillaume presse le bouton de la radio pour accentuer les décibels meurtriers et prendre conscience de son impossibilité à apprivoiser le malheur.
Aucune piste dans sa tête.
Aucune balise.
Aucun garde-fou.
Épuisé et nomade, il ne sait plus où se trouve l’essentiel. Il ne sait plus où se poser, établir une base définitive. Y aurait-il quelque part dans cet univers où prône l’ordre des choses, l’écriture d’un fou qui lui redonnerait raison ?
Évreux se dessine en bas de la nationale qu’il vient de prendre à la sortie du dernier village et dans quelques minutes, il se retrouvera à l’hôpital.
Son cœur bât très fort.
Son déménagement matinal et sa nuit d’ivresse se font ressentir.
Ses membres sont douloureux.
Son crâne lui fait mal.
Il ferme la radio.
Emminen la boucle.
Guillaume veut gueuler.
Du plat de la main, il balance un coup violent sur le volant et serre les mâchoires.[...]