Comme je l’ai souvent écrit, les maîtres de la Renaissance italienne me donnèrent l’envie de peindre, mais dès l’âge de seize ans, je commençai à découvrir d’autres univers, d’autres peintres, et parmi ceux qui m’éblouirent, Géricault fut certainement celui qui me passionna le plus.
Lorsqu’à dix-huit ans je partis en stop à Paris pour tenter ma chance, je me précipitai au Louvre pour contempler certains des tableaux que j’avais admirés dans mes livres… Je garde en moi, toujours présente, l’émotion invraisemblable quand, au détour des couloirs, je me retrouvai enfin dans la salle où, gigantesque, sombre et si puissant, se trouvait « Le Radeau de la Méduse ».
Je me souviens m’être assis sur la vieille banquette de velours cramoisi, face à l’immense toile, et ne pas en croire mes yeux… 35 m2 de génie m’écrasaient ; bien plus que la chambre de bonne que je squattais !
Je restai ainsi, plus d’une heure, immobile, les yeux brillants de larmes. Je ne rencontrai pas un simple tableau, mais l’un des amis qui avaient accompagné mon adolescence quand, à feuilleter les dictionnaires et les livres d’art, je m’étais immergé dans sa noirceur marine.
Une fois ces toiles terminées, je réalisai combien ce Radeau de la Méduse avait frappé mon esprit ; même si ces deux toiles étaient bien éloignées de ce dernier, son drame, sa gestuelle et sa noirceur étaient au rendez-vous…
Deux tableaux, deux tragédies, comme celle du radeau de la Méduse.