Le soleil caressait le jardin, ce matin-là… Le parfum des chèvrefeuilles et des orangers du Mexique semblait venir de toute part. J'étais là, dehors, Élie, au fond du salon. Par la fenêtre ouverte, je le vis s’avancer lentement tandis qu’il fumait en silence. Il souriait. Je saisis cet instant.
Il s’accouda au rebord de la fenêtre, un peu ébloui par la lumière intense de cette fin de matinée.
« Ne bougez plus… je vais faire encore quelques photos de vous, comme ça dans le soleil. »
Je vouvoie Élie. Je ne sais pas faire autrement. Pas de distance entre nous, pour autant, juste une impossibilité de faire concorder nos mots à nos gestes ou à nos regards.
Ses yeux qu’il ferma assez vite sous le soleil sont de ceux, les plus troublants, que je connaisse. Deux tâches d’eau transparentes, d’un vert unique, d’un vert qui ouvre des trouées palpitantes de lumière comme les fougères, éclairent par endroits l’ombre dense des forêts.
C’est comme pour le vouvoiement…
Autant de questions stupides que ses beaux yeux tristes me posent en silence.
Je crois que je le peindrai bientôt. Tous les tableaux qui ont mis longtemps à prendre racine dans ma tête sont souvent les plus réussis.
Mon innocence et ma maladresse pervertissent souvent mes rapports les plus simples avec ceux qui comptent et je deviens étranger en terre mienne... dissident inutile.