L’orage grondait depuis des heures ; des éclairs balayaient un ciel devenu anthracite. Sidi Bou Saïd vivait au ralenti dans l’attente d’un déluge annoncé.
Assis sur le canapé, je fixais le patio grand ouvert. Je ne voulais rien perdre de cet étrange moment, juste avant l’averse, quand la chaleur vous oppresse et qu'aucun souffle n’agite les feuilles des arbres.
Quelques fleurs de bougainvilliers gisaient au sol, papillons mauves sur le marbre. Le ciel s’assombrit encore. On aurait pu se croire en soirée. On ne voyait presque plus rien. Je me levai pour allumer quelques lampes, quand une déflagration inimaginable déchira mes oreilles. J’appuyai sur l’interrupteur. Panne d’électricité. L’obscurité s’épaissit encore. De grosses gouttes de pluie éparses et claquantes commencèrent à frapper le sol.
Medhi qui se reposait dans la chambre apparut, à moitié endormi.
La foudre l’avait réveillé. Machinalement, il ferma les portes du patio pour éviter que l’eau ne s’infiltre dans la maison.
À tâtons, je partis chercher des bougies dans les placards de la cuisine. Mon empressement à renouer avec la lumière amusait Mehdi. C’est pourtant lui qui trouva les bougies, lui qui les alluma ; au bout de quelques instants, leurs flammes redonnèrent vie à l’espace. Dehors, des trombes d’eau s’abattaient maintenant avec un bruit infernal. Je regardai Mehdi dans la nouvelle douce lumière. Il semblait repus et satisfait. Je me saisis de mon appareil photo.
Il s'étira longtemps, puis toujours très à l'aise devant l'objectif, m'offrit son grand sourire.
« Je vais prendre une douche, lança-t-il en baillant bruyamment, J’ai trop chaud ! »
Je le vis s’éloigner avec une bougie à la main comme on le faisait autrefois quand on glissait, fantomatique, de pièce en pièce, et que des formes mouvantes donnaient vie aux murs.
Quelques instants plus tard, je le rejoignis avec mon appareil photo… Je voulais saisir son visage et son corps que la flamme de la bougie rendait picturaux dans l’espace étroit de la salle de bain.