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Le blog de Michel Giliberti


Un soir de 1993, alors que j’étais chez ma mère, je pris un de ces vieux bouquins qui traînaient au salon et dans l’un d’eux je lus de biens étranges histoires sur les coutumes extravagantes de certains pays… je tombai sur le récit d’un homme qui, dans une région de l' Amérique du sud (je crois), avait épousé une femme morte. J’appris que ça se pratiquait souvent pour des raisons de succession et le prétendant de ces noces pour le moins monstrueuses, acceptait l’idée de sceller une union avec, auprès de lui, une défunte parée pour la circonstance de tous les signes du mariage, parfois dans un état proche de la décomposition et parfois même, c’était une momie. Pourtant, le cérémonial avait lieu, ainsi que la remise des alliances.
Plus tard, en 1995 je terminais le tableau ci-dessus et alors que je lui cherchais un titre, un seul vint à mon esprit : « Les mariés de février ».
J’ai par habitude d’écouter mes pulsions même si parfois leur sens m’échappe.
Je signais donc mon tableau et incrivis son titre au verso.

Une année auparavant, au matin du 14 février 1994, j’avais reçu un coup de fil de l’une de mes sœurs qui me souhaitait un bon anniversaire. Sa voix était dynamique comme à l’ordinaire, son humour bien là…
Le lendemain 15 février, son fils m’appelait pour m’annoncer sa mort.
Je ne tiens pas à étaler ma douleur et ce qui se passa dans ma tête dans les instants qui suivirent cette terrible nouvelle.
Je sais simplement que le lendemain en soirée, je prenais l’avion pour Hyères, dans une espèce d’hallucination permanente, n’entendant rien à ce que je faisais, agissant comme un automate. Deux heures et demie plus tard, je pénétrais dans la chambre où reposait ma sœur, après avoir traversé son jardin qui scintillait d'un givre hivernal. Je ne comprenais pas son silence et son immobilité... elle si drôle, si vivante. Elle était belle dans la mort comme elle l’avait été dans la vie. Elle avait 57 ans. Le temps n’avait jamais eu de prise sur ses traits, ni sur son corps.
Je demandai qu’on me laisse seul. Je m’allongeai à côté d’elle et lui prie sa main froide. Je caressai son front, ses cheveux ; je la regardai, je la regardai… puis, très naturellement j’ai ôté de mon cou la chaîne qu’elle m’avait offerte pour ma communion et je la lui passai autour du poignet. J’avais l’impression de faire un geste important, le geste d’une union…

Quelques mois après avoir terminé mon tableau, alors que j’étais
une fois encore de passage  chez ma mère, je fis comme toujours le tour des livres qui traînent au salon et je retombai sur celui que je viens d'évoquer. Je le feuilletai distraitement et à nouveau le mariage de ces hommes avec des mortes me sauta aux yeux. D’un seul coup, comme si je recevais une gifle, l’explication du titre de mon tableau me vint brutalement à l’esprit ; j’avais peint un homme qui tenait dans ses bras une sorte de pantin en bois avec les attributs de la mariée : le voile, les gants, la couronne de fleurs… Tous les deux portaient une  alliance et sur le côté gauche, vers le bas, un petit portrait de ma sœur, dessiné grossièrement donnait la clef.
Oui, « Les mariés de février » étaient bien ceux-là ; un frère vivant, avec sa sœur morte ! L’alliance... une simple chaîne, l’union sacralisée par le tableau.
Mon inconscient avait absorbé l’histoire et l’avait restituée des années après… pour symboliser cette funeste soirée qui m'avait tant marqué.


Ma soeur quelques mois avant sa mort...

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commentaires
Y
"au matin du 14 février 1994, j’avais reçu un coup de fil de l’une de mes sœurs qui me souhaitait un bon anniversaire. Sa voix était dynamique comme à l’ordinaire, son humour bien là…Le lendemain 15 février, son fils m’appelait pour m’annoncer sa mort."... Vos mots disent tout.
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M
Oui... ce 15 février là restera toujours dans ma mémoire.  @ bientôt,Michel
G
Michel, je viens de découvrir que tu as un blog et je viens également de lire ce texte sur les Mariés de février. Pffouu... Ce tableau je l'ai vu il y a plus de 10 ans -chez toi il me semble, en compagnie de Serge; il m'avait fortement troublée. Mais on ne questionne pas un homme qui a le courage d'exposer, d'exprimer, de laisser sortir une sensibilité qui, dans ton cas, tient plus du divin que de l'humain. On le laisse parler, s'il le veut, s'il le sent. Voilà. Maintenant j'ai entendu, et je l'ai pris en plein ventre.<br /> Je vais continuer cette visite.Je t'embrasse.A bientôt peut-êtreGéraldine
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M
C'est un vrai bonheur de te retrouver Geraldine. J'ai un souvenir si précis et si magique de notre rencontre... Ton arrivée en moto avec Serge, votre beauté à tous les deux, notre sensibilité respective à chacun de nous trois, etc, etc... et puis le temps... hélas!Je te remercie pour ce que tu me dis et j'en suis profondement touché.Peut-être nous reverrons nous?Dans tous les cas, ces "Mariés de fevrier"ont rétabli un beau contact.Merci encore Geraldine.je t'embrasse,Michel
N
Une histoire, un instant... le rendez vous avec la mort....Et cette absence si présente plus présente encore après...Rien n'est fini après, tout commence...<br /> Beau témoignage...
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M
C'est vrai qu'elle est toujours dans mon sillage, comme un parfum...merci Nathgrim,Michel
M
Malgré la violence de la séparation, la sensation qu'une partie de nous meurt, quand un être aussi proche s'en va, tu as pu passer ce moment à ses cotés et ainsi la quitter d'une très belle manière. Je suis émue en lisant ton article. Bonne journée
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M
Oui, ce départ a été très émouvant, mais j'ai été quand même repus d'un adieu entier, la communion affective avait été consommée.Je peux dire que « faire le deuil » de quelqu’un a pris son sens grâce à cet adieu, car très vite, j’ai pu vivre avec cette mort d’une façon positive. Je n’ai jamais de pensées négatives quand je pense à ma sœur, rien que du bonheur, des fous rires, une grande entente. @ bientôt, Maryse,Michel
B
Histoire très touchante.
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M
Merci Bellurette.@ +Michel
*
Bien souvent je ne sais pas dire ce que je ressens  ...par pudeur peut-être ...je ne sais pas ....serais-je une femme voilée sans le savoir ?Si je le suis, c'est sans importance ... mon regard  glisse sur tes mots ... s'embue ... et  je pars en voyage  Tango !Que la nuit te soit douce Michel<br /> Merci d'être
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M
Voilée sans le savoir? La pudeur fort heureusement vient de toi Mel, et ton voile sur les mots n'est que celui que tu décides d'installer... Celui-ci ne gène personne. @ bientôt,Michel
*
J'ai lu ...
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M
MerciMichel

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Mon travail d'artiste peintre, auteur et photographe...

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