Dans l'air si embaumé de l'odeur citronnée d'une espèce de géraniums dont on extrait une eau très parfumée qu'on ajoute à certains desserts, dont la salade de fraises, j'ai rencontré le jardinier et à la fois le métayer de l'oasis, le khammès qui veut dire « le cinquième » parce qu'il est rémunéré en recevant le cinquième de la récolte. Dès que nos yeux se sont croisés, il est venu à ma rencontre et m'a invité à regarder ses cultures. Je suis moi-même jardinier et j'ai accepté l'offre avec bonheur. Comme il voyait que je prenais grand intérêt à tout ce qu'il me montrait, il est devenu très enthousiaste, a déterré des légumes, trier des graines, butter de jeunes pousses, escaladé les troncs de palmiers pour que j'apprécie sa dextérité. Il était très gentil, très drôle et plus tard, assis sur un banc en bois comme de vieux amis, nous avons bavardé assez longtemps dans cette étrange lumière amande, dans cette ombre lumineuse. Il a disparu quelques minutes et a ressurgi avec une pâtisserie venue de je ne sais où. Puis, comme si ce n'était pas suffisant, il a cueilli des fleurs et avec un air malicieux a commencé à confectionner un bouquet qu'il m'a offert avec la candeur d'un enfant qui offre un cadeau à sa mère.
C'était trop charmant, je sais que ce terme est quelque peu désuet, mais je n'en trouve aucun autre. Oui je pourrais dire que je kiffais grave le jardinier, mais bon... Je pense que beaucoup de touristes doivent avoir un contact aussi chaleureux avec lui, mais j'aime à imaginer qu'en ma compagnie, ce fut différent ; d'ailleurs, il fuyait les rares promeneurs qui s'aventuraient dans la palmeraie et m'entraînait toujours un peu plus loin avec l'air malicieux d'une complicité partagée. Quand je me suis séparé de lui, son visage aimable et souriant s'est longtemps promené dans ma tête pendant que je continuais ma marche dans l'oasis et approchais des bassins d'eau qui donnent à ce décor somptueux de rochers percés de verdure et croulant sous la chaleur torride, l'indispensable fraîcheur.
Le sud de la Tunisie, à deux pas du désert est encore un lieu authentique, malgré une organisation forcenée du tourisme qui commence sérieusement à devenir tentaculaire, mais pour l'heure, c'est encore un paradis vert et doré, sucré et chaud comme une datte dont Tozeur est le grand producteur.