Il appuyait son front contre le mien et, tout en me fixant dans les yeux, martelait à haute voix et plusieurs fois de suite les noms à retenir…
C’était si persuasif que toutes ses leçons sont restées en mémoire.
Je me souviens d’un jour où nous barbotions dans l’eau turquoise de la plage de Sidi Bou Saïd sous l’oeil attendri de sa famille et surtout de sa mère qui préparait des sandwichs (ne jamais oublier de manger en Tunisie) quand un bateau se dessina à l'horizon. Aussitôt Gadour (âgé de huit ans à l'époque) le pointa du doigt, me donna son nom en tunisien « babour » et m'ordonna de le répéter.
J’eus le tort de ne pas le prononcer de façon exacte et aussitôt il se précipita sur moi, m’enfonça la tête sous l’eau, puis quand j'émergeai, plaça son front contre le mien, et à sa manière habituelle, hurla comme un malade : « Babour, babour, babour… ».
Depuis, croyez-moi, chaque fois que je vois un bateau, il m’est impossible de ne pas prononcer en moi « Babour, babour ». J'ai retenu sa leçon…