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Le blog de Michel Giliberti

On abandonne Tozeur, sa palmeraie et les maisons qui s'y nichent, sa splendide Médina toute de briques jaunes, une Médina « médiévale ».
Et le voyage repart... La traversée du Chott El Jerid ne va pas tarder. Son immense étendue de sable, de terre et de sel confondus s'étendra sur quatre-vingts kilomètres... Le ciel est magnifique et les nuages, comme souvent à cette époque de l'année dans cette région aux portes du désert, se colorent de rose ou de mauve et accentuent le bleu presque turquoise du ciel. 

 

Avant ces marécages si particuliers, la route aride à la maigre végétation odorante (souvent de l'armoise) réserve des surprises, comme ces deux petits ânes qui se racontent plein de belles choses...

Lorsqu'on s'approche d'eux, ils prennent la fuite et cette chorégraphie aux tons uniques permet cet inattendu cliché aux allures de dessins rupestres aussi spectaculaires que de ceux de la grotte de Lascaux.

Peu après, comme prévu, on se retrouve au centre du chott El Jerid dont les cristaux de sel à sa surface miroitent au soleil. La route qui le traverse ne va plus cesser d'être bordée de cet étrange et brillant désert.

Parfois des mirages apparaissent et persistent tant qu'ils se trouvent dans un axe précis. C'est le cas pour ceux-là (les taches noires à l'horizon, sur la gauche) ; ils disparaîtront brusquement quand la route tournera un peu sur la droite.

On approche de la dépression du Chott El Jerid ; ses reliefs offrent des points de vue splendides. Des deux côtés de la route, le sel de ce marécage asséché continue de nous accompagner et se soulève par endroits jusqu'à ressembler à de petites tentes du désert. Parfois, ce paysage un peu lunaire donne l'illusion d'être au bord de la mer (surtout s'il fait très chaud) car les mirages sont plus intenses et vous assurent d'une eau plus vraie que nature tout autour de vous.  

À la fin du Chott, un peu avant la ville de Kebili, on décide de prendre une petite route sur la droite qui mène à une oasis...

Arrêt immédiat... le spectacle est prometteur.

C'est bien ce que je pensais... Un vrai décor de théâtre. Visite obligatoire pour savourer ces couleurs, ces reliefs étonnants... cette luminosité.

C'est tellement beau, qu'on n'ose y croire. Tout est si calme, si feutré... un petit paradis.

Jean-Charles n'en croit pas ses yeux...
Très vite, il redevient un enfant et s'amuse dans les dunes... Le sable est si beau, si fin... entre les doigts, c'est une sensation ineffable... une caresse de la nature.

Moi, je m'enferme aussitôt dans une de ces brèves méditations dont je ne sais toujours pas me défaire... Que le monde est beau ! Et si je me suicidais ici... là, tout de suite. Oui, je sais, j'ai toujours à ma disposition un lot de belles idées optimistes.

Heureusement, pour couper court à mes élucubrations, derrière les petits reliefs, se dresse une cabane faite de feuilles de palmiers ; elle propose des souvenirs, des tapis, bref, un petit commerce tout simple, mais qui doit bien fonctionner en périodes touristiques... Deux garçons d'une vingtaine d'années nous accueillent et nous offrent du thé. Ils ont l'air de s'ennuyer. "Abdoul et Ali"! Ils se nomment ainsi.

Abdoul veut que je pose avec son faucon sur le bras. Je me plie donc à la photo un peu simpliste. Je me trouve un peu bête, mais bon, il faut bien faire plaisir à ces jeunes gens et surtout à Jean-Charles qui immortalise ma contribution à la photo basique que chacun doit avoir dans ses albums ou sur son ordinateur s'il est passé par là....

À l'intérieur de la cabane, par contre, je me sens chez moi. Tout ce bazar me convient tout à fait et après avoir bu le thé, je reste longtemps assis à rêver de façon désordonnée.Nous discutons longtemps avec les  garçons dont l'un deux, Ali, nous plaint d'être français. Je lui demande pourquoi, il me répond que tous les jours à la télé, il voit qu'à Paris les gens dorment sur les trottoirs dans des boîtes en carton ou bien dans de minuscules tentes, qu'il n'y a pas de travail, que ceux qui ont la chance d’en posséder un sont quand même pauvres, que les sans-abris meurent dans le froid... que les enfants sont alcooliques et frappent leurs professeurs... que nous n'avons pas le droit de fumer, de boire, etc.  Et oui, et oui... on nous plaint !

On se dit enfin au revoir, on s'embrasse, on se serre dans les bras comme de vieux amis de toujours... J'achète deux bricoles et le voyage continue. On s'approche maintenant de Matmata, la végétation revient doucement..

De petites oasis apparaissent et palpitent à  l'intérieur de cirques qui jalonnent la route qui serpente au fil du relief escarpé.

Le paysage devient de plus en plus étrange, proche de celui des zones volcaniques ou d'une planète imaginaire entre la Lune et Mars. Difficile à décrire. On est au bout du monde.

Bien après, dans un tournant à fleur de virage, je retrouve la maison troglodyte dans laquelle j'avais rencontré une vieille dame qui, en deux mille quatre, m'avait offert son hospitalité. Je l'avais dessinée et également peinte. Je veux lui offrir mon livre d'art qui résume l'ensemble de mes peintures « orientalistes » dans lequel, elle figure...
Hélas ! sa fille m'apprend qu'elle est morte depuis trois mois.
Je suis très triste et je lui offre le livre. Elle découvre sa mère sur deux pages et me remercie avec émotion. Nous avons tous les larmes aux yeux.

Alors, une dernière fois, pour la remercier de son accueil et de sa disponibilité à mon égard, il y a quelques années, voici ma vieille de Matamata dans la pleine lumière de juillet devant sa porte, comme autrefois, alors que de ses doigts noueux, elle mettait un peu d'ordre aux plis de sa robe, avant de poser pour moi. 

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À soixante kilomètres de la belle petite ville du Kef se trouvent les ruines romaines de Dougga. Ces vestiges que je connais depuis l'enfance sont exceptionnels. Ils ont l’avantage d’être bien conservés et surtout de s’étendre sur ce paysage toujours unique et « biblique » déjà décrit…

Quand on découvre ces lieux, un peu difficile d’accès, on comprend que les Romains s’y installèrent. Les plateaux sur lesquels ils se dressent les protégeaient des ennemis et les plaines généreuses que le fleuve Mejez el Bab arrose assuraient les cultures. Plus loin d’ailleurs en remontant vers Aïn Draham et Tabarka, la végétation est très dense et l’on compare (un peu à tort à mon avis) cette région à la Normandie parce que les pluies y sont abondantes et que la neige y pointe son nez. Croyez-moi, rien à voir…  

Ici tout est encore à peu près préservé de l’urbanisation sauvage qui, hélas, défigure de plus en plus le pays. On éprouve un sentiment de retrouvailles avec ce passé romain de la Tunisie qui fut tant de fois envahie, au point que beaucoup d'entre eux refusent l’identité arabe dans laquelle ils ne se reconnaissent pas vraiment (en dehors de leur religion musulmane). 

Ils se sentent avant tout des Numides… des Berbères. Ce sont les origines qu'ils revendiquent. Leur culture est faite de tant de mélanges que ce mot « arabe » leur semble réducteur et ils le laissent bien volontiers aux vrais envahisseurs « arabes», ceux qui s’imposèrent rapidement sur leur territoire dès l’an 646. 

Ces lieux un peu hantés par ce passé romain semblent donner envie de flâner aux Tunisiens et surtout aux paysans qui s’y promènent tranquillement tout autour. 

Chacun d'eux est prêt à vous raconter une anecdote et comme dans toute la Tunisie, le sourire et le mot « bien venu » sont de rigueur.

Le Capitole, au sommet de Dougga...

Son chapiteau...

Ses colones corinthiennes...

Une vue depuis le côté gauche du Capitole...

Le Capitole, une dernière fois... j'ai photographié bien d'autres endroits sur place, notamment le théatre si intacte de ce site si vaste, mais difficile de faire un choix...

Les thermes antoniniens qui dominent la vallée...

L’arc de Sévère Alexandre près des figues de barbarie et des oliviers centenaires...

Jean-Charles (mon compagnon depuis trente-cinq ans) est littéralement tombé sous le charme de ce site que le silence (à cette époque de l'année) rend si envoûtant. Il ne voulait plus partir. Si je l'avais écouté, un âne et des moutons auraient suffi à faire de lui l'homme le plus comblé de la terre...
D'ailleurs, nous sommes là, tous les deux, à nous demander si ce désir un peu utopique n’est pas finalement le seul vrai projet nouveau à l'heure de la fuite des capitaux et des derniers litres de pétrole, à l’heure des bourses vides des hommes et de celles des marchés qui dégringolent…

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À l’ouest de Tunis, quand on s’éloigne vers l’Algérie, la campagne tunisienne qui mène au Kef est une des plus belles que je connaisse. Elle est même émouvante. Finis les clichés faciles, on entre dans la légende qui pousse aux aphorismes.

Cette terre restitue les images bibliques qu’une éducation religieuse a enracinées au plus profond de nous. Même si par la suite (comme moi) on devient athée, on s’attend à voir surgir Moïse ou Jésus dans ces paysages de Galilée où chaque buisson devient ardent…

Ici où tout est beau, c’est le souffle du vent dans les branches des oliviers et des eucalyptus…

Ici, où tout est continuel, ce sont les roches rousses, érodées et tortueuses, les valons, les plaines et surtout l’odeur de la végétation dans un silence étonnant et mystérieux qui force la méditation.

Ici, où tout est retenu, les bergers vous sourient près de l’oued où paissent leurs moutons...

... des moutons sans marquages aux oreilles et qui paressent sous le soleil.

Des enfants sur des ânes vous saluent et vous vendent parfois des légumes ou des fruits.

Quand je me promène dans ces lieux de grande sérénité, je suis toujours à l’écoute du silence. J’ai toujours l’impression qu’il veut me délivrer un message. Il règne la plus inspirée des symbioses avec ma nature profonde comme lorsque je contemple le désert ; rien de comparable pourtant, mais ces paysages parviennent tous deux à panser mes blessures, parviennent à me faire croire en l’homme.


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Mon travail d'artiste peintre, auteur et photographe...

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