J'avais déjà composé un article sur ce jardinier de Tozeur, mais j'ai eu envie d'en reparler et d'ajouter de nouvelles photos de lui. Il faut dire que ces moments passés en sa compagnie font partie de mes plus beaux souvenirs tunisiens, des plus naturels, des plus magiques de simplicité.
La palmeraie de Tozeur est un lieu à part qui force à la méditation, pas forcément transcendantale, zen ou métaphysique, non... juste profonde, plus proche d'une méditation philosophique qui fait redécouvrir les simples joies d'un « paradis » terrestre. D'ailleurs, un jardin sublime nommé « Le Paradis » se trouve tout en bas de la route principale, une route sableuse où passent des calèches comme autrefois. Quand on rentre dans ce jardin botanique écrasé de tant de palmiers et de tant de végétations éblouissantes, on rentre dans du vert. Tout y est vert. La lumière absorbe ce vert et nous le renvoie. Notre peau elle-même prend cette couleur d'absinthe dorée tant la luxuriance y est exceptionnelle.
Dans l'air si embaumé de l'odeur citronnée d'une espèce de géraniums dont on extrait une eau très parfumée qu'on ajoute à certains desserts, dont la salade de fraises, j'ai rencontré un jardinier, métayer de l'oasis, le khammès (« le cinquième ») parce qu'il est rémunéré en recevant le cinquième de la récolte.
Dès que nos yeux se sont croisés, il est venu à ma rencontre et m'a invité à regarder ses cultures. En tant que jardinier, j'ai accepté l'offre avec bonheur.
Comme il voyait que je prenais grand intérêt à tout ce qu'il me montrait, il est devenu très enthousiaste, a déterré des légumes, trier des graines, butter de jeunes pousses, escaladé les troncs de palmiers pour que j'apprécie sa dextérité.
Il était très gentil, très drôle et plus tard, assis sur un banc en bois comme de vieux amis, nous avons bavardé assez longtemps dans cette étrange lumière amande, dans cette ombre lumineuse.
À un moment, il a disparu quelques minutes et a ressurgi avec une pâtisserie venue de je ne sais où.
Puis, comme si ce n'était pas suffisant, il a cueilli des fleurs et avec un air malicieux a commencé à confectionner un bouquet qu'il m'a offert avec la candeur d'un enfant qui offre un cadeau à sa mère.
C'était trop charmant, je sais que ce terme est désuet, mais je n'en trouve aucun autre. Je pourrais dire que je kiffais grave le jardinier, mais bon... Je pense que beaucoup de touristes doivent avoir un contact aussi chaleureux avec lui, mais j'aime à imaginer qu'en ma compagnie, ce fut différent ; d'ailleurs, il fuyait les rares promeneurs qui s'aventuraient dans la palmeraie et m'entraînait toujours un peu plus loin avec l'air malicieux qu’offre une complicité partagée. Quand la rencontre prit fin, son visage souriant s’est accroché à moi et tandis que je continuais ma marche dans l'oasis jusqu’aux bassins d'eau qui donnent l'indispensable fraicheur à ce décor somptueux de rochers et de verdure croulant sous la chaleur torride, c’est encore à lui que je pensais.