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Le blog de Michel Giliberti



Moez © Giliberti / 2007

Me voici de retour de la Tunisie et je retrouve avec plaisir mes chères habitudes, mes bruits, mes silences, mon amour… le jardin.
Comme souvent lorsque je suis là-bas, je perpétue mes inquiétudes et mes insurmontables faiblesses, car, vivre en Tunisie, implique chez moi une grande solitude à l’écoute de mes mystères et de mes attentes. Ce pays est un peu un laboratoire où j’apprends à me connaître et à mesurer la distance parcourue depuis le jour où je le quittais pour la première fois.
Je sors peu, j’écris beaucoup, j’arrange la maison, je m’occupe des plantes. Je visite ou reçois de temps à autre les amis. Je ne me mêle pas vraiment à la vie extérieure par paresse et aussi par peur des possibles rencontres qui m’obligeraient. Je reste simplement ouvert à tous et à toutes, mais je ne m’implique que dans l’ordinaire des choses. J’ai tellement été à la rencontre des autres pendant des années que ce repli ne me prive de rien. Je ne peux pas, je ne sais pas avoir trente-six mille connaissances qui captureraient mon autonomie et briseraient ma capacité à m’intérioriser.
Cette année, Sihem, une amie, m’a laissé sa grande maison à deux cents mètres des ports puniques (un espace que j’adore pour tout ce qu’il représente d’historique et pour son calme et sa beauté) et de la mer ; je m’y suis barricadé.
 
Un bout des ports puniques © Giliberti / 2007

J’avais besoin de faire le point et j’ai trahi Sidi Bou Saïd pour écouter les bruits de Carthage…
 

Un bout des ports puniques © Giliberti / 2007

Les oiseaux d’abord, très tôt, puis à huit heures précises l’hymne national du collège secondaire derrière les oliviers et les palmiers. Plus tard, la musique lancinante de quelques radios lointaines... puis les cris enfin, les rires, les jeux des élèves pendant la récréation et la sortie du collège… la vie, quoi ! cJ’écoute ; tout juste bon à capter les sons qui ne me parlent pas, (je comprends trop peu l’arabe) et qui surgissent, éclatants et vigoureux comme une musique qui pulse dans mes veines.


Collège  secondaire en face de la maison © Giliberti / 2007

C’est toujours très étrange d’entendre un flot de mots dans leur secret, et soudain, d’en capter quelques-uns, compréhensibles, qui vous donnent un peu du sens des conversations qu’ils animent… comme une phrase musicale simple ferait son entrée dans une composition complexe et aussitôt, l’allégerait.
C’est aussi une clef, un passeport pour une musique du langage qui vous échappe et qui revient, syncopée de quelques points d’encrages salutaires.
Mémoire des mots et des passions.
Mémoire des petits riens et des grands touts.
Liens entre la poésie et la rigueur d’une langue. De l’abandon et du réveil.
Ce que j’évoque là, me rappelle qu’un soir, alors que je regardais la télé, j’ai vu Sarkozy affirmer avec une belle assurance et une supériorité de ton dont il a le secret, que les étrangers s’installant en France devaient apprendre le Français, le parler, le lire, l’écrire… Et comme j’étais en Tunisie, ses mots avaient une autre résonance. Ils me donnaient à penser à ces colons français qui, installés dans tout le Maghreb pendant plus d’un siècle, ont imposé aux Marocains, Algériens et Tunisiens le français sans jamais faire l’effort d’apprendre la langue arabe. Ils leur volaient leur terre, mais encore leur identité… Prétention française, arrogance française… et ça continuera avec ce petit coq !
Étrange voyage en réalité que le mien en ce mois de février ensoleillé et chaud. Incroyablement chaud.
J’étais parti pour faire un petit saut bénéfique avant un autre plus grand et bien plus difficile dans ma vie future cernée de tant de dangers, mais ce fut un voyage dans l’arrêt des choses et des gens.


Moez © Giliberti / 2007

Je remercie Sihem pour sa grande générosité, ses preuves d’amitié tout au long de nos grandes conversations, et pour m’avoir incité à voir deux films tunisiens formidables dont je reparlerai plus en détail ; merci aussi à sa cousine Zeineb, à Saïd et ses amis, Moez toujours là, calme, patient et à l’écoute, Sybille étrange et retenue, presque mystérieuse qui m’a invité dans un des plus beaux restaurants de Tunisie, un vrai palais de contes des mille et une nuits ; merci à tous ceux qui savaient que cette année, mes vacances étaient  une convalescence de l’âme pour nommer plus poétiquement mon mental assez malmené ces derniers temps devant  mes incertitudes de la vie.


 Moez © Giliberti / 2007

Bien… Il va falloir me réveiller du sens aigu du tragique et jouer avec celui, plus flou, mais tout aussi pervers de l’anodin.


commentaires

G
Deux semaines de silence étaient suffisantes pour créer un manque chez tes réguliers. Bon retour dans la "normalité"... et sans oublier... bon anniversaire! Guy 
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M
Merci Guy, mais j'avoue que l'anniversaire sous la pluie battante a des relents de vieilleries... hélas! Mias bon, on va faire avec.merci encore,@ +Michel
J
Les langues imposées aux colonisés sont effectivement l'un de signes de cette domination européenne sur le monde avec les religions.<br /> Je lisais récemment Les racines du ciel de Romain Gary, le Goncourt 1956, auquel j'ai d'ailleurs consacré un post que vous avez peut-être lu sur mon blog; très frappante est la personnalité de l'ancien député des Oulés, Waïtari, devenu leader des indépendantistes et que l'auteur finit par nous faire prendre en pitié malgré ce qu'il laisse entrevoir du futur de l'Afrique: un individu coupé de sa culture et ses racines pour avoir été acculturé par l'éducation européenne, mais qui, faute de pouvoir faire carrière en France, se retrouve à être un étranger sur son propre continent auquel il veut imposer des idées de blancs.<br />  
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M
Oui j'ai lu votre post sur Romain Gary et en effet cette complexité que créé la naissance sur un territoire qui n'est pas le vôtre ou tout simplement le choix d'y vivre donne toujours lieu à tous les tourments. Vous pouvez y couler des années dans l'euphorie la plus totale et brusquement prendre conscience de la fragilité de votre existence dans un lieu qui, quoi qu'on fasse, n'est pas le vôtre.C'est ce que je ressens quand je vis en Tunisie. Chaque année apporte des impressions différentes. Je peux me sentir au paradis autant qu'en enfer (simple métahaphores de l'athée que je suis) et pour toutes ces raisons, la vie d'un déraciné a quelque chose de particulier qui parfois élève, enrichit, et parfois aussi meurtrit sans ménagements.Michel.
M
Contente de te savoir de retour, après ce voyage en Tunisie intérieure dont tu avais besoin . Bonne soirée Michel et @+
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M
Merci Maryse. je suis cependant très heureux d'être rentré comme je le dis pour toutes les raisons que tu sais...Merci de venir si vite me retrouver.je t'embrasse,Michel.
L
Très beau résumé de voyage ...<br /> Toutefois une petite note ç dire sur Nicolas Sarkozy, il l'a affirmé en France, que les gens résidant en France devraient connaitre le français. Normal, non ? Quand tu t'installes dans un pays, tu apprends la langue d'origine, ce qui ne t'empêche pas de parler avec ta famille par exmeple ta langue natal. Restons dans le contexte.<br /> Sur ce, bonne continuation :D
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M
Les langues ne s'imposent pas  Lulu, elles évoluent simplement. Les sociétés se transforment et évoluent d'elles-mêmes. Nous n'avons pas arrêté de parler  le latin,  sous la menace... Quant à ce que j'ai dit sur la colonisation, je le maintiens. J'en parle en connaissance de cause. Les Français ont obligé les arabes à parler le français et n'ont jamais fait l'effort d'apprendre leur langue alors qu'ils exploitaient ce peuple sans ménagement, croyez-moi. Ils étaient conquérants, c'est tout ; les étrangers qui viennent en France le font souvent pour fuir des pays où ils n'ont pas leur place ou ne peuvent plus y vivre. Ce sont des gens souvent en souffrance. Cela ne vaut pas cet ordre lapidaire de Sakozy qui laisserait supposer qu'en plus d'être des étrangers, ils sont dans l'obligation de vite s'intégrer.Ça n'a rien à voir avec le fait de parler sa langue d'origine avec sa famille, c'est bien évident, heureusement, ça serait le comble. Tous les étrangers sont bien obligés d'apprendre nos langues pour survivre. Ils n'ont pas besoin de se l'entendre dire avec cette  hargne et ce regard jubilatoire accomodé de ce lamentable remuement d'épaules... bref, je ce mec m'insupporte, mais vous l'aviez deviné.  Tout le monde sait qu'il vaut mieux apprendre la langue du pays dans lequel on vit... Il suffit d'attendre, ça vient toujours à temps.@ +Michel.

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Mon travail d'artiste peintre, auteur et photographe...

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