Tous ceux qui me connaissent savent que je sors très vite de mes gongs dès que je côtoie l’injustice et la médiocrité qui la caractérise.
Ainsi, hier, au BHV, alors que j’étais à une des caisses de ce magasin parisien pour régler des achats, une des caissières se lève brusquement en éructant : « Ah ! non, c’est pas possible ! je prends ma pose. Il est hors de question que j’m’occupe d’elle. Elle pue trop ! J’ai pas envie de dégueuler. »
Interloqué par l’agressivité extrême de ces propos, je me retourne et aperçois une malheureuse qui trimbalait une charrette de fortune avec tout son bric-à-brac sous du plastique.
Gênée par l’accueil qui venait de lui être fait, elle se retira aussitôt en quête d’une autre caisse.
L’outragée et arrogante caissière ajouta aussitôt : « C’est ça… qu’elle aille puer ailleurs, mais pas à ma caisse ».
Je n’ai pas pu me contenir.
– Hé oui Madame, commençais-je calmement en la fixant, et en articulant à voix haute, la misère pue… Ça vous étonne ?
La jeune femme me lança à son tour un regard terrible.
– Elle peut se laver, non ?
– Ce qu’elle peut faire, je m’en moque, je réponds simplement à votre insolence. Quoi que vous pensiez, vous auriez pu le dire avec plus de discrétion et de toute façon vous n’aviez qu’à vous taire, et encaisser cette femme. Vos états d’âme n’intéressent que vous !
– Vous n’êtes pas à ma place.
– Vous n’êtes pas à la place de cette femme non plus. Vous voyez bien que c’est une SDF… Vous vouliez qu’elle sente le Nº 5 de Chanel ?
– Elle n’a qu’à se laver.
– Vous ne savez rien de sa détresse… rien de ses conditions de vie. Elle ne prend peut-être qu’une douche par semaine, et elle sent très vite parce que ses habits sont sales, parce que ce n’est pas facile, parce qu’il y a mille raisons pour qu’elle n’ait pu se laver… Elle peut être malade… Vous pouvez comprendre ça ?
– Si j’étais sale, j’irais pas empester les autres… J’irais me cacher plutôt.
– Vous saurez sans doute vous cacher pour voter, je suis rassuré…
La caissière le prit très mal.
– Qu’est-ce que vous insinuez ?
– Ce que vous avez compris.
– Je ne suis pas raciste.
– Le racisme est social, Madame, rien d’autre !
À ce moment, les clients ont commencé à manifester une véritable aversion pour l’agitateur que j’étais et qui leur faisait perdre certainement un temps précieux.
Inutile de vous préciser que c’est tout qui me pousse à continuer bien sûr.
J’ai repris ma carte bancaire, mon paquet, et au moment de partir, je les ai tous regardés avec dédain.
– Vous avez raison… Mettez-vous du côté de cette caissière, comme elle soyez aveugle à la misère et allez voter Le Pen, bande de connards !
Et puis je suis parti, satisfait et bien triste à la fois de constater à quel point nous devenons égoïstes et comme il est pratiquement impossible de se mettre à la place des très pauvres dans une société qui tend à faire croire que nous devons être au top pour exister.
Quelle misère !