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Le blog de Michel Giliberti

Comme les amants malheureux qui mendient celles ou ceux qui les ont quittés, comme l’assassin revient sur les lieux du crime, je suis retourné chez Leclerc…
Je cherchais à acheter de la charcuterie, sans porc, car j’avais des amis musulmans qui venaient grignoter à la maison.
Je sais, j’aurais dû me rendre dans une vraie charcuterie, mais dans mon bled tout le monde se connaît et on ne peut éviter les palabres inutiles avec les commerçants. J’envisageai donc de prendre un morceau de pâté de lièvre, mais voulant être certain qu’il n’y avait pas de viande de porc dedans, je décidai de me renseigner auprès de la vendeuse et là, stupéfaction, celle-ci, que je n’avais encore jamais vue au rayon, était très rose, dodue à souhait et avec une courte chevelure crépue qu’un inconscient coiffeur, pour ne pas dire incompétent, avait massacrée d’un blond vénitien plus proche du potiron normand.
Elle était là, à ma disposition, toute gantée de caoutchouc transparent, la lèvre pulpeuse et brillante de gloss et de salive. D’émotion, j’avalai la mienne précipitamment, m’apprêtant à lui demander si je pouvais être certain que le pâté de lièvre ne contienne pas de porc, quand une de ses collègues arriva, qui la gratifia d’un « salut ma belle » tonitruant, tout en enfilant elle aussi des gants en latex.
Aussitôt je mis un frein à ma curiosité culinaire, sentant d’avance qu’il y avait mieux à faire. Et j’avais raison…
La première des préposées à la vente se tourna vers la deuxième, fraîchement arrivée, et lui offrit un buste généreux et palpitant qu’un tablier trop étroit faisait saillir davantage.
– J’ai mal dormi, a entamé la seconde.
– Pourquoi ?
– Hier, j’ai pris un truc qui m’a pas été… j’étais toute ballonnée.
La naturellement ballonnée compatit, puis confia :
– Moi, c’est mon régime dissocié qui m’va pas.
– Pourquoi ?
– Hier, c’était la journée œuf… Au bout du douzième, j’ai calé.
– Douze oeufs ? Mais pourquoi ?
– Ben c’est ça, le régime dissocié… tu manges toute la journée la même chose ; autant qu’ t’en veux… Chaque jour une chose différente, mais la même chose, tu comprends ? T'associe rien !
– Depuis quand tu fais ça ?
– Depuis dix-sept jours.
– Et ça marche ?
– Ben oui.
– T’as maigri ?
– Ben oui.
– De combien ?
– Deux cent cinquante grammes.
La réponse tomba comme une vulgaire chipolata.
La seconde resta sans voix, à considérer avec inquiétude sa collègue, puis se raclant la gorge, elle se tourna vers moi avec une expression découragée.
– Monsieur ? Vous désirez ?
– Du pâté de lièvre, s’il vous plait, mais à condition qu’il n’y ait pas de porc dedans.
La seconde réfléchit, posa un regard sur sa copine si ronde, si rose, si… blonde et s’adressant de nouveau à moi, elle me dit presque dans un soupir.
– Ben non, ici, y’a qu'du porc… partout.
J’ai fait tout ce que j’ai pu pour rester serein et je suis aussitôt parti chez ma bouchère charcutière, la vraie, celle qui a un mari « qu’on saigne toutes les semaines » (lire « Les saignements du boucher » de janvier) qui, elle, me servit un bon pâté sans porc mais qui dans la foulée m’a lancé :
« On sait plus comment s’mettre avec le refroidissement d’la terre qui s’réchauffe… c’est un vrai binz. L’matin, y fait humide, on s’couvre, l’après-midi, y fait chaud, on s’découvre... et paf ! on attrape la crève !
J’étais comblé…

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le-choc.jpg
L'acteur Salim Kechiouche que j'ai eu le privilège de peindre et de photographier m'a inspiré une douzaine de tableaux dont quelques uns ont été déjà présentés sur le blog et à la galerie Ben Chaïeb à Paris. Il me restait à montrer  ces trois là... les derniers de la série.




le-choc.jpg
Il y a quelques jours, nous avons discuté de choses et d'autres par télephone et finalement, nous avons décidé de faire quelques séries de nouvelles photos. Ce sera un plaisir car Salim est un garçon d'une grande simplicité et qui garde au fond de lui une part de ses blessures. Comme tous les grands acteurs, il reste pudique et fier à la fois. Je n'oublie jamais q'il fut le sublime Jihad de ma pièce "Le centième nom".
Reste à trouver une date, c'est le plus difficile.

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Tous les certains du monde
Ne connaîtront jamais
Le seul satin
Qui vaut d'être touché
Tous les crétins du monde
N'écouteront jamais
Le seul tam-tam
D’un coeur
Qui cogne au jour premier.

© Giliberti / 2007


Lorsque je photographie un modèle, il m’arrive souvent de lui demander d’improviser pendant la première demi-heure, ou plus encore. Ça lui permet de prendre une certaine distance et de s’approprier ce rapport si particulier entre le modèle et l’artiste.
Au début, il cherche des positions très académiques qui ne m’intéressent pas, mais qui le rassurent, aussi je rentre dans son jeu et prends quelques clichés. Puis, je commence à le questionner sur ce qu’il aime, ce qu’il voudrait faire dans la vie, bref, à l'abri derrière mon objectif, je m’aventure facilement.
Cette approche, passionnante pour moi, me permet de tendre un pont entre deux timidités, car à ce cébut de l'aventure, ni le modèle, ni moi-même ne sommes au mieux de notre forme.


Ce jour- là, je recevais Amar, un garçon arrivé en France depuis peu et qu’un ami m’avait recommandé. Je le trouvais beaucoup trop musclé, mais je ne dis rien, car je le sentais heureux de poser et quand je lui demandai d’improviser, il a voulu un grand plat creux et un fruit ou un petit objet. J’ai trouvé un raku à ma portée et un petit galet, souvenir d'une plage de Grèce ; je les lui ai passés. Il a pris le galet en main, le raku dans l'autre, puis avec une expression  ineffable de joie et une gestuelle émouvante, il a pris une position qui lui rappelait,  m’a-t-il dit, son Afrique natale où les gestes simples, comme la cueillette, étaient pour lui un vrai plaisir.
Du coup, très ému, je l’ai photographié avec bonheur, ne pensant plus à sa plastique trop imposante qui me bloquait. Par la suite, comme à la fin d'un rituel, il s’est senti très à l’aise et notre séance de photos est partie dans une autre direction, mais de ce premier instantané, je garde un souvenir touchant et inoubliable.


Deux années passèrent et j'eus envie de peindre un garçon Africain.
Le tableau une fois terminé, je trouvai qu'il manquait quelque chose et qu'en plus il était trop académique. Cette insatisfaction dura quelques jours. Un matin, en quelques coups de pinceau, je plaçai un petit galet dans la main du personnage avec cette inscription dessus : "Black memory".
Enfin satisfait, je signai le tableau.
Je réalisai alors à quel point mon inconscient avait été troublé par cette première photo avec Amar que les sentiments si spontanés d'appartenance à son pays avaient inspiré. Ils revenaient ce jour-là et me permettaient d'achever mon travail.


Cette petite histoire me permet de faire une ellipse et de rebondir sur les propos de Sarkozy qui souhaite une immigration choisie... je trouve que c'est bien là le choix d'un nanti qui jusque dans cette proposition se permet de faire le tri parmi ceux qui n'ont souvent d’autre choix que de quitter le pays qu'ils aiment pour simplement manger... Eux, n'ont rien choisi, juste subi.
Jadis, les riches choisissaient leurs esclaves sur un marché... les époques changent, pas les hommes.


Acquis la prison !
À qui le soleil ?
Acquis l’obédience !
À qui le pouvoir ?
Acquis la misère !
À qui le profit ?
Acquis l’hilotisme !
À qui la main mise ?

© Giliberti inBleus d'attente / 2001


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On m’avait dit que la démence
Donnait aux hommes le rire des fous.
Je suis pourtant de cette errance
Mais, seules mes larmes vous l’avouent.


 © Giliberti / 2007

Tous mes modèles sont des amis...
... Hubert ne fait pas l'exception...
... Il est à la fois doux, drôle, secret et très photogénique...
... Il est originaire de la Guadeloupe.


Le résultat est toujours éloigné de l'idée que je me fais d'un tableau quand, à peine ébauché sur la toile, il palpite comme un mirage prometteur ; depuis longtemps j'ai appris à accepter cette désillusion. Je pense même qu'elle  me permet de continuer mon métier de peintre. Courir après qui se dérobe donne toujours l'envie de le saisir. Il n'est d'autre enseignement que la curiosité, et le rêve suspendu.


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Quand on arrive à Tozeur en plein mois d'août comme je l'ai fait, on est tout de suite happé par la chaleur étonnamment puissante, mais cela n'a jamais eu d'importance pour moi. Je la supporte assez bien. Dès que j'ai posé mes affaires à l'hôtel, le si bel hôtel Dar Cherait ( la maison de Cherait ), du nom du propriétaire, j'ai repris ma voiture et je suis parti à l'oasis. C'est un lieu à part qui force à la méditation, pas forcément transcendantale, zen ou métaphysique, non... juste profonde ; plus proche d'une méditation philosophique qui fait redécouvrir les simples joies d'un paradis terrestre ( aucune connotation religieuse, juste le pouvoir évocateur de ces mots ). D'ailleurs, un jardin sublime nommé « Le Paradis » se trouve tout en bas de la route principale, une route sableuse où passent des calèches comme autrefois. Quand on rentre dans ce jardin botanique écrasé de tant de palmiers et de tant de végétations éblouissantes, on rentre dans du vert. Tout y est vert. La lumière absorbe ce vert et nous le renvoie. Notre peau elle-même prend cette couleur d'absinthe dorée tant la luxuriance y est exceptionnelle.


L'oasis

Dans l'air si embaumé de l'odeur citronnée d'une espèce de géraniums dont on extrait une eau très parfumée qu'on ajoute à certains desserts, dont la salade de fraises, j'ai rencontré le jardinier et à la fois le métayer de l'oasis, le khammès qui veut dire « le cinquième » parce qu'il est rémunéré en recevant le cinquième de la récolte. Dès que nos yeux se sont croisés, il est venu à ma rencontre et m'a invité à regarder ses cultures. Je suis moi-même jardinier et j'ai accepté l'offre avec bonheur. Comme il voyait que je prenais grand intérêt à tout ce qu'il me montrait, il est devenu très enthousiaste, a déterré des légumes, trier des graines, butter de jeunes pousses, escaladé les troncs de palmiers pour que j'apprécie sa dextérité. Il était très gentil, très drôle et plus tard, assis sur un banc en bois comme de vieux amis, nous avons bavardé assez longtemps dans cette étrange lumière amande, dans cette ombre lumineuse. Il a disparu quelques minutes et a ressurgi avec une pâtisserie venue de je ne sais où. Puis, comme si ce n'était pas suffisant, il a cueilli des fleurs et avec un air malicieux a commencé à confectionner un bouquet qu'il m'a offert avec la candeur d'un enfant qui offre un cadeau à sa mère.



Le bouquet de fleurs du jardinier

C'était trop charmant, je sais que ce terme est quelque peu désuet, mais je n'en trouve aucun autre. Oui je pourrais dire que je kiffais grave le jardinier, mais bon... Je pense que beaucoup de touristes doivent avoir un contact aussi chaleureux avec lui, mais j'aime à imaginer qu'en ma compagnie, ce fut différent ; d'ailleurs, il fuyait les rares promeneurs qui s'aventuraient dans la palmeraie et m'entraînait toujours un peu plus loin avec l'air malicieux d'une complicité partagée. Quand je me suis séparé de lui, son visage aimable et souriant s'est longtemps promené dans ma tête pendant que je continuais ma marche dans l'oasis et approchais des bassins d'eau qui donnent à ce décor somptueux de rochers percés de verdure et croulant sous la chaleur torride, l'indispensable fraîcheur.
 



























Tozeur est une toute petite ville et en dehors du centre, des cafés bruyants et pleins de vie, c'est bien sûr cette oasis qui capture l'attention avec ses oueds, ses sources, ses bassins où les enfants s'amusent et prennent le frais en se plaçant sous la cascade. Un plaisir inégalé des yeux, un plaisir inestimable du coeur. Le soir, j'assistai au spectacle son et lumière dans les jardins de l'hôtel (plus proche d’un palais), à la représentation des « mille et une nuit ».
Le sud de la Tunisie, à deux pas du désert est encore un lieu authentique, malgré une organisation forcenée du tourisme qui commence sérieusement à devenir tentaculaire, mais pour l'heure, c'est encore un paradis vert et doré, sucré et chaud comme une datte dont Tozeur est le grand producteur.


L'oued



Les casacdes et les bassins




les enfants au bassin

 


L'oued

 


La palmeraie



Maison à Tozeur


Dame près du jardin

Je n’aime que les murs
Qui donnent l’ombre à ma peau,
Je n’aime que les peaux
Qui incendient mes murs.

© Giliberti in Bleus d'attente / 2001
 

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Juste une pensée pour Lucie Aubrac décédée mercredi dernier et dont je viens de revoir sur Arte l'exceptionnel parcours dans la résistance.
Quelle merveille de l’entendre parler avec tant de justesse, de simplicité et pourtant de grande et forte intention. Quel souffle unique par rapport à toutes les phrases creuses dont on nous rebat les oreilles en ce moment à propos de tout et de rien, et surtout de rien.
Je vais simplement rappeler ce qu’elle a dit de son mari et de l’amour.
Je ne pourrais que tenter de le faire bien entendu… c’était si fort, si exactement ce qu’il fallait dire sur un tel le sujet... l'amour ! ses différentes étapes, cet impossible détachement de l'être aimé, cet obsédant besoin de lui au quotidien, son futur qui le transforme en tendresse et sa fin redoutée, hélas !
Chaque mot lâché, comme ça, sans le chercher, tombait là, évident et heureux.
Pour conclure, elle expliqua aux enfants d’une école qui porte son nom ce qu'était la résistance :

"Dès que vous dites, c’est pas juste... vous devenez résistant. Et l'on doit toujours se battre contre les injustices."

Voilà une belle conclusion.

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Lorsque les deux tours de Manhattan se sont effondrées dans un fracas de fin de monde, et que cette vision apocalyptique commença à passer en boucle à la télé, j'étais chez moi, rivé aux infos comme tout le monde.
J'étais très choqué, traumatisé même.
C'était si révoltant ; si atroce.
Dès le lendemain et les jours suivants, le matraquage systématique de cet attentat ignoble, comme tous les attentats, et les phrases comme « Nous sommes tous Américains » répétés sur tous les tons commencèrent pourtant à entamer ma compassion.
On ne nous a jamais demandé d'être « Tous africains » quand la famine ou le manque d'eau s'abat sur des populations entières de ce pays, encore moins d'être « Tous Indiens » quant à Bhopal, des milliers d'Indiens furent empoisonnés par les gaz toxiques d'une usine américaine justement.
C'est alors que j'ai pensé aux Indiens d'Amérique qui furent massacrés par millions au nom de la civilisation, de Dieu, et de la prétendue supériorité de l'homme blanc qui avait décidé que ce continent serait le sien.
C'est à ce moment que j'ai eu envie de faire une série de tableaux où l'on voyait des bouches hurler : « Nous sommes tous terriens » et puis la toile ci-dessus « The twins feathers » (les plumes jumelles), pour rappeler que si les « Twins towers », les deux tours arrogantes de toute la perversion capitaliste s'étaient effondrées, deux plumes, fragile symbole des Indiens, rappelaient que ce peuple, lui, vit toujours.
Je précise tout de suite que je n'ai rien contre les Américains, mais qu'il convient de ne jamais oublier l'Histoire.
Mais, j'aime quand même pas du tout le petit excité qui les gouverne actuellement et qui m'en rappelle un autre...

Nous sommes...

... tous ...

... terriens.

Ces trois extraits de tableaux ci-dessus faisaient partie d'un triptyque qu'il m'est difficile de placer ici dans leur position d'origine.


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Quand je veux me détendre de la peinture, discipline fatigante dans laquelle il faut s'immerger de nombreux jours pour créer une toile, je m’investis dans la photo.
J'aime les photos simples prises sur le vif, comme celles que je fais en Tunisie où ailleurs, et aussi les photos plus intimistes, plus sophistiquées ; les photos où l'éclairage joue un rôle essentiel, comme ici avec Emmanuel. Fort occupé à poser toute l'année pour les plus grands photographes du monde, il avait eu la gentillesse de passer toute une après-midi à poser pour moi, comme avant.
Un jour, peut-être, je publierai un livre des photos que j'ai faites de lui, un autre sur la Tunisie et un dernier dédié à l'ensemble de mes modèles. J'aurais bouclé la boucle et je me retirerai de tout.
Mais comme à l'habitude, c'est une question de temps.

Cette photo d'Emmanuel et celle ci-dessous font partie de la première série que j'ai réalisée avec lui.  C'était en 1994. Il allait avoir dix-sept ans. Un souvenir inoubliable. Une générosité immédiate. Un échange définitif.


 Du vieil ami, ces mots…

  Ces mots pour te dire qu'à la bouche
L'eau demeure
Comme demeurent les pulsions.
Safran aux yeux et noir à l’âme
Nous avons à nos pieds plus de terre
Qu’un sillon paysan et notre marche
Reste forte
Comme tu l'es.
Les ans ne seront qu’anneaux à ton cou
Comme cercles à la souche de l’arbre
Comme nacre à la perle.

© Giliberti / 2007

Emmanuel, te souviens-tu comme tu aimais écouter Skunk Anansie pendant tes séances de poses ?
J'espère que depuis NY, ça te fera plaisir de l'entendre.

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Beja-2
Quand, à l'ouest de la Tunisie on dépasse Béja et qu’on s’aventure à l’intérieur des terres, on peut se contenter d’observer la vaste campagne, mais on peut aussi prendre une des routes qui serpente sur les collines et vous conduit jusqu’à leur sommet où toute trace de vie semble s’effacer.
Beja-1C’est pourtant là, au centre d’une gigantesque étendue de plaines et de rochers creusés comme ceux d’un canyon, que vit la tante de Moez ainsi que le vieux berger qui l’aide à s’occuper de ses moutons et de ses cultures. L’eau se tire au puits. Il n'y a pas encore d'électricité.
Beja-3
C’est une vie très spartiate au milieu d'une végétation grandiose mélangée à celle plus courte et rabougrie de tous les pays méditerranéens. Nous avons passé l’après-midi à manger des crêpes au miel, à boire du thé, puis à nous balader dans ces lieux sauvages qui enchantent Moez « parce qu’on entend les oiseaux » comme il dit.
Je me souviens qu'à l'intérieur de la modeste maison, une petite télé qui marchait grâce à un groupe électrogène diffusait les émissions d'une chaîne italienne, la seule qui se captait bien et que personne ne comprenait vraiment.
moez-lac-2-b
Pas très loin, plus bas en redescendant de la colline, il y avait une marre d’un vert étonnant, une marre de jade qui étincellait au soleil et forçait le regard. Moez y descendit...
moez-lac-b

Puis il en remonta après avoir effrayé quelques grenouilles...
moez-lac-1-b... et m'offrit un grand sourire pour la photo.
Moez-beja-en-blanc

Plus tard, Moez s'abrita du soleil en enroulant son tee-shirt sur la tête. Les Tunisiens ont le style pour faire ça. En deux secondes, ils se transforment en fiers Berbères. Moez n'échappe à la règle. Comment ne pas être tenté de le phototgraphier ou de le peindre ?
beja-tanteLa tante de Moez, adorable et pleine d'attention, pendant qu'elle préparait ses délicieuses crêpes au miel.

 

Bonheur d’être mortel
Connaître l’eau quand il fait soif
Aimer quand tout se meurt.
Difficulté des dieux,
À qui jamais rien n’arrive.

© Giliberti in Bleus d'attente /2001

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Ces tableaux font partie d’une longue série sur le thème de la castration.
Il faut dire qu'à cette époque j’étais en analyse, sans cesse tiraillé par mes souvenirs d’enfance et, même s'ils sont baignés de l’amour unique de mes parents et de mes sœurs, ils n’en demeurent pas moins entachés de quelques erreurs d’éducation et d’un trop d’amour difficile à gérer.
« Trop » étant si près de « peu », la distance est courte ; basculer dans la vulnérabilité ou la névrose reste possible.
L’oiseau, son envol impossible, le verre brisé, le sang, voici quelques-unes des clefs de ma vie d’artiste, des clefs que, bien involontairement, ma mère et mon père m’ont remises et qui, comme dans un mauvais Vaudeville, font se fermer et s’ouvrir sans cesse les portes des souvenirs.

J’ai ouvert les yeux un soir
Quand d’autres les fermaient pour toujours.
Ils s’éteindront assez tôt
Quand d’autres s’allumeront d’un cri.
Mais de la lumière à la nuit,
Du bruit de chaque chose,
Jusqu’au silence des mots
Nous n’aurons rien compris
Nous n’aurons rien atteint
Et nos orbites, ces trous de nuit
Resteront là, ouvertes au vide.

© Giliberti in Voyage secret / Bonobo éditions / 2004


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Le blog de Michel Giliberti

Mon travail d'artiste peintre, auteur et photographe...

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